Le
2 juillet 2009 :
(13:00
Unità Naziunale,
www.unita-naziunale.org - Corse - Lutte internationale)
Tôt dans la matinée du
dimanche 28 juin, 200 soldats ont encerclé la résidence du président
du Honduras, Manuel Zelaya. Après 20 minutes de combat avec les 10
membres de sa garde personnelle, le président a été arrêté. Il a
alors été expulsé par avion au Costa Rica, où, dans une conférence
de presse, il a dénoncé un coup d’Etat à l’instigation
« d’oligarques de droite ». Il a également appelé la population à se
mobiliser, dans la rue, et promis de revenir.
L’origine immédiate de ce coup d’Etat réactionnaire
est le référendum que Zelaya voulait organiser sur la convocation
d’une Assemblée Constituante.
Le Congrès (dominé par la droite), le Haut Commandement de l’armée
et la Cour Suprême s’opposaient à ce projet.
Zelaya avait remporté
les élections présidentielles de 2005 sous le drapeau du Parti
Libéral du Honduras. Il avait devancé de peu le candidat du Parti
National. Il est lui-même un riche propriétaire terrien, mais la
polarisation politique de ce petit pays d’Amérique centrale l’a
poussé à prendre un certain nombre de mesures favorables aux
pauvres, aux travailleurs et aux paysans. Il s’est réclamé du « bolivarisme ».
Rapidement, il a perdu le soutien de sa propre formation, le Parti
Libéral (centre-droit), et a donc été forcé de s’allier avec des
organisations ouvrières et paysannes. Voici ce qu’il dit dans une
interview accordée au quotidien espagnol El País : «
J’ai voulu faire des changements dans le schéma néo-libéral. Mais
les riches ne font aucune concession – pas même un centime. Ils ne
veulent pas renoncer à la plus petite partie de leurs fortunes. Ils
veulent tout garder pour eux. Alors, bien sûr, pour changer les
choses, il faut mobiliser le peuple. »
Le Honduras est l’un
des pays les plus pauvres d’Amérique latine. 50% de la population
vit sous le seuil de pauvreté. L’illettrisme frappe 20% des
citoyens. Plus d’un million d’habitants – sur les 7,8 millions que
compte le pays – a dû émigrer aux Etats-Unis pour chercher du
travail. Dans ces conditions, même les mesures progressistes les
plus modérées devaient inévitablement se heurter à l’hostilité
brutale de la classe dirigeante, des propriétaires terriens et des
grands médias.
Parmi les réformes
progressistes du gouvernement, il y avait une campagne
d’alphabétisation basée sur les exemples cubains et vénézuéliens,
une tentative d’améliorer la santé des sections les plus pauvres de
la population (via l’accès à des médicaments moins chers et l’octroi
de bourses pour étudier la médecine à Cuba), une baisse des taux
d’intérêts pour les petits fermiers et une augmentation de 60% du
salaire minimum.
Le
gouvernement a également pris des mesures contre certains des
privilèges les plus flagrants de la classe dirigeante hondurienne.
Il a brisé le monopole des multinationales sur l’importation du
fuel, grâce à un accord passé avec Petrocaribe, basée au Venezuela.
Zelaya a également pris des mesures contre les multinationales
pharmaceutiques qui contrôlent 80% de tous les médicaments vendus au
Honduras, et qui les vendent au prix fort. Pour ce faire, Zelaya a
signé un accord avec le Venezuela et Cuba pour importer des versions
génériques – et donc moins chères – des médicaments les plus
couramment utilisés. Le président a également dénoncé le monopole de
l’oligarchie sur les médias de masse et supprimé les subventions de
l’Etat aux grands groupes de l’industrie médiatique.
Sur l’arène internationale, Zelaya a rallié l’ALBA (Alternative
Bolivarienne des Amériques), une alliance régionale initiée par le
Venezuela.
Toutes ces mesures
ont contribué à accroître la popularité de Zelaya parmi les couches
les plus pauvres de la population – et à alimenter l’hostilité de
l’oligarchie locale, qui depuis deux siècles dirigeait le pays
(conformément aux intérêts américains). Pendant la plus grande
partie du XXe siècle, le Honduras a été une « République bananière »
dominée par la compagnie United Fruit, qui contrôlait la plupart des
meilleures terres agricoles du pays et les exploitait comme son
jardin privé, sans se soucier de ce qu’en pensaient les
gouvernements officiels du pays. Périodiquement, les marines
américains intervenaient pour renverser des gouvernements qui
tentaient de limiter le pouvoir d’United Fruit. L’indépendance
formelle du pays n’était qu’un écran de fumée. L’impérialisme
américain était maître à bord. Les marines américains sont
intervenus au Honduras en 1903, 1907, 1911, 1912, 1919, 1924 et
1925. En 1911, le nouveau président du pays a été directement nommé
par un médiateur américain. En 1930, lorsqu’une grève solide a
éclaté, dans les plantations bananières, un bateau de guerre
américain a été envoyé pour la réprimer.
Le Honduras a également une longue histoire de présidents libéraux
qui, pour avoir tenté de timides réformes, ont été renversés par un
coup d’Etat – avec le soutien et la participation directe des
Etats-Unis.
Ce fut le cas du président Vincente Mejía (1929 – 1933), qui a été
remplacé par la dictature du général Carías Andino. Il a conservé le
pouvoir jusqu’en 1949. La même chose est arrivée au président
Villeda Morales, qui, après avoir engagé une réforme agraire très
modeste, fut renversé par le coup d’Etat de López Arellano. Appuyé
par les Etats-Unis, Arellano dirigea le pays de 1965 à 1974. Enfin,
dans les années 80, le Honduras est devenu la principale base
d’opération des contras, ces milices contre-révolutionnaires
organisées par les Etats-Unis qui luttaient contre la révolution
sandiniste, au Nicaragua.
Face à l’opposition
de la classe capitaliste et de l’impérialisme, Zelaya espérait
pouvoir s’en sortir en organisant un référendum sur la convocation
d’une Assemblée Constituante, suivant le modèle du Venezuela, de la
Bolivie et de l’Equateur. Il a proposé d’organiser un référendum, le
dimanche 28 juin, pour décider si un autre référendum serait
organisé, dans le cadre des élections générales de novembre
prochain, pour convoquer une Assemblée Constituante. Mais le Congrès
et la Cour Suprême ont déclaré cette consultation illégale. Le Haut
Commandement de l’armée refusa d’apporter son soutien logistique à
l’organisation de cette consultation – avant d’arrêter Zelaya, le 28
juin.
La classe dirigeante
hondurienne n’a pas perdu de temps. L’Etat d’urgence et un
couvre-feu ont été décrétés. Le Congrès a immédiatement désigné un
nouveau président, Roberto Micheletti, qui était jusqu’alors le
président du Congrès. Des militants de gauche et d’organisations
ouvrières et paysannes ont été arrêtés. Cesar Ham, un candidat de
gauche à la dernière présidentielle, a échappé de peu à une
arrestation. Le Congrès a ordonné l’arrestation de nombreux
dirigeants d’organisations populaires ou sociales, dont Juan Baraona
(Bloc Populaire), Carlos H. Reyes (Bloc Populaire), Andrés Padrón
(Mouvement des Droits de l’Homme), Luther Castillos (un dirigeant
syndical), Rafael Alegrón (Via Campesina), César Han (Conseil
Civique des Organisations des Peuples et des Indigènes du Honduras,
CCOPIH), Andrés Pavón (CCOPIH), Marvin Ponce (CCOPIH), Salvador
Zúñiga (CCOPIH) et Berta Cáceres (CCOPIH).
Les ambassadeurs du Venezuela, de Cuba et du Nicaragua ont été
détenus par des militaires masqués, qui les ont tabassés, puis
relâchés. Exactement comme lors du
coup d’Etat d’avril 2002, au Venezuela, la chaîne d’Etat – Canal 8 –
a été fermée par les putschistes, qui ont également publié une
fausse lettre de démission de Zelaya.
Il est évident que
les Etats-Unis étaient au courant de la préparation de ce coup
d’Etat. Des dirigeants du Congrès en avaient discuté avec des
responsables de l’administration américaine. Echaudés par
l’expérience du coup d’Etat d’avril 2002, au Venezuela, les
Américains semblent leur avoir conseillé de poursuivre dans la voie
d’un « coup constitutionnel » (empêcher la tenue du référendum),
sans aller jusqu’à arrêter Zelaya, à ce stade. Malgré ces possibles
désaccords tactiques, l’administration américaine et l’oligarchie du
Honduras sont d’accord sur l’objectif du coup d’Etat : empêcher
Zelaya de se maintenir au pouvoir et de poursuivre sa politique de
réformes sociales.
La réaction d’Obama au coup d’Etat était très modérée. Il a appelé
« tous les acteurs politiques et sociaux du Honduras à respecter les
normes démocratiques et l’autorité de la loi », ajoutant que la
situation « doit être réglée de façon pacifique, sans interférence
extérieure ».
Ainsi, alors qu’un président démocratiquement élu a été illégalement
arrêté et expulsé de son pays, Obama appelle « tous les acteurs
politiques et sociaux » à respecter les normes démocratiques. C’est
un soutien implicite à l’argument des putschistes selon lequel
Zelaya aurait violé la loi en cherchant à organiser un référendum.
En substance, la
position des impérialistes est la suivante : on rejette le coup
d’Etat, mais on en soutient l’objectif. Comme l’explique le
quotidien réactionnaire El País, « ce qui est en jeu, finalement,
c’est le rapport de force en Amérique latine. Si Zelaya était
parvenu à rendre possible sa ré-élection, le chavisme aurait gagné
du terrain en Amérique centrale. » C’est parfaitement clair. El País
considère que le coup d’Etat n’était pas la meilleure méthode, mais
soutient pleinement l’objectif de bloquer la progression du « chavisme »
dans la région.
Il y a deux leçons majeures, dans les événements au Honduras.
Premièrement, la
classe dirigeante ne peut même pas tolérer les réformes
progressistes les plus modestes. La lutte pour la santé publique,
l’éducation, la réforme agraire, l’emploi et le logement ne peut
être victorieuse que dans le cadre d’une lutte pour le socialisme.
Deuxièmement, on ne peut mener une authentique révolution en
laissant intact l’appareil d’Etat bourgeois, qui sera toujours
utilisé, tôt ou tard, contre la volonté de la majorité du peuple.
Les organisations
syndicales du Honduras, y compris la CGT, ont appelé à une grève
générale contre le coup d’Etat. C’est la bonne réaction. Seule une
mobilisation massive des travailleurs et des paysans peut faire
échouer le coup d’Etat. Un appel à la base de l’armée est également
nécessaire, pour inciter les simples soldats à refuser d’obéir aux
ordres de leurs officiers. Hugo Chavez l’a dit dans ces termes :
« Soldats, videz vos fusils sur l’oligarchie, pas sur le peuple ».
Nous devons un
soutien sans faille aux travailleurs et aux paysans du Honduras dans
leur lutte contre ce coup d’Etat. Nous en appelons au mouvement
ouvrier international pour qu’il manifeste son opposition à ce coup.
En particulier, les organisations ouvrières et paysannes d’Amérique
centrale et du Mexique ont un rôle déterminant à jouer. Des
manifestations et des rassemblements, devant les ambassades,
encourageraient les masses du Honduras.
A bas le coup d’Etat réactionnaire au Honduras !
Mobilisation de masse et grève générale !
Soldats, tournez vos fusils contre vos officiers – et ralliez le
peuple !
Jorge Martin,
Le 29 juin 2009
Source : Publication le mercredi 1er
juillet 2009 par
La Riposte
Dossier
"
Coup d'Etat au Honduras"
Source photo :
Unità Naziunale, Archives du site.
Source info :
Unità Naziunale
© UNITA NAZIUNALE
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