Le
21 juillet 2009:
(13:00
Unità Naziunale,
www.unita-naziunale.org - Corse - Lutte internationale)
Voilà trois mois que le militant abertzale de
Donostia Jon Anza a disparu après avoir pris un train à Bayonne en
direction de Toulouse. Il s'est volatilisé sans laisser de traces.
Maixo Anza, sa compagne, est la dernière personne à l'avoir vu.
Elle n'est pas très bavarde. Ses
réponses sont brèves et si l'émotion a manqué la submerger à
l'écoute de certaines questions, elle s'est maîtrisée. Elle est la
compagne de Jon Anza.
C'est elle qui l'a conduit au
train en gare de Bayonne le 18 avril dernier. C'est la dernière fois
qu'elle l'a vu. «Le plus dur» dit-elle, «c'est de ne pas savoir ce
qui lui est arrivé».
Comment vous sentez-vous depuis trois mois ? Vous vous sentez
épaulée ?
La présence et le soutien de ma
famille et de mes amis ont été sans faille. Ils sont toujours là,
ils m'aident, me redonnent des forces. Mais en réalité la situation
est très difficile à supporter. Je me lève tous les matins en me
demandant ce qui a bien pu se passer, je veux le savoir et je n'ai
pas de réponse. C'est très dur.
C'est vous qui avez vu Jon pour la dernière fois. Il avait le moral
?
Jon a toujours été très positif,
il a une grande force de caractère. Il avait hâte de commencer sa
radiothérapie et de reprendre une vie normale aussi vite que
possible après son traitement.
Avez-vous remarqué un changement d'attitude de la police après le
communiqué d'ETA qui reconnaissait que Jon faisait partie de
l'organisation ?
Non, pas particulièrement. Quand
j'ai été convoquée au commissariat de Bayonne, on m'a interrogée
toute la matinée, mais je n'ai pas senti de pression particulière.
Les policiers m'ont reconduite à notre domicile et l'ont fouillé de
13h à 18h. Ils se sont conduits de façon correcte. Ils ont emporté
le rasoir de Jon, ses gants, d'autres effets personnels, pour
relever son ADN, ils ont aussi saisi le disque dur de son ordinateur
et plusieurs clés USB. Les policiers venus de Paris n'ont pas non
plus tenté de m'intimider. Une femme policier m'a demandé pourquoi
je parlais de Jon au passé. Je ne m'en rendais même pas compte. Cela
m'arrive encore parfois.
Avez-vous le sentiment que la police fait tout son possible pour
retrouver Jon ?
Je n'ai aucune nouvelle des
policiers parisiens. Ceux de Bayonne nous tiennent informés par le
biais de notre avocate ou m'appellent pour me tenir au courant des
avancées de l'enquête. Par exemple, lorsqu'ils ont découvert le
cadavre d'un homme dans la Nive, ils m'ont appelée pour savoir si
Jon avait des tatouages ou des marques caractéristiques pour
identifier cet homme. Ces derniers temps, ils nous appellent moins.
Ils nous ont dit qu'ils avaient vérifié les aéroports, les trains,
les gares, les hôpitaux, mais que les recherches n'avaient rien
donné.
Vous
pensez que les recherches sont arrêtées ?
En principe, la police doit
établir un rapport qui est ensuite transmis au tribunal, qui le
remet à son tour au juge d'instruction. A ce moment-là, la famille
doit pouvoir avoir accès aux détails de l'enquête, aux noms des
personnes interrogées, à toutes les données qui lui permettent de
savoir si tout ce qui était possible a été fait.
Le
ministre de l'intérieur Alfredo Perez Rubalcaba a déclaré que Jon
avait volontairement choisi de disparaître avec l'argent qu'ETA
affirme qu'il avait sur lui. Son homologue d'alors, Michèle Alliot
Marie, a également - du bout des lèvres - souscrit à cette
hypothèse. Croyez-vous que cela soit possible ?
Certainement pas. C'est
impossible. Jon savait que s'il ne se soumettait pas à son
traitement par radiothérapie, il allait devenir aveugle. Il était
convaincu qu'il devait le faire. C'est facile pour les ministres
d'émettre des hypothèses mais ils ne connaissent pas Jon. Ils le
font peut-être parce qu'ils ne savent rien, ou qui sait, parce
qu'ils savent peut-être quelque chose.
A votre avis, qu'est-il arrivé à Jon ?
Sûrement rien de bon. Au début,
lorsque nous l'avons cherché partout dans les hôpitaux et dans les
gares, nous avons imaginé plusieurs possibilités mais au fur et à
mesure que le temps passait, seule celle qu'il ait été enlevé a
vraiment pris corps. Après trois mois, je crois que c'est ce qui est
arrivé : un enlèvement, à caractère politique.
Comment réagissez-vous aux réactions provoquées par la disparition
de Jon ?
Je pense que les manifestations,
les réclamations et les exigences de vérité sont très positives et
j'en éprouve de la reconnaissance. Mais il n'y a eu des réactions
qu'en Pays Basque.
Justement, pourquoi des élus, des partis ou des collectifs pour les
droits de l'homme n'ont-ils pas réagi face à la disparition d'un
militant abertzale, d'autant plus au vu des antécédents historiques
en Pays Basque ?
Je ne sais pas. C'est à eux qu'il
faut le demander. Je ne comprends pas ce silence, pas plus que celui
des médias français et espagnols. Il est évident qu'ils ne veulent
pas se mouiller. Le mutisme qui entoure sa disparition est très
douloureux pour moi. Jon n'est rien pour eux mais pour nous, il est
un compagnon, un frère, un ami. Ce silence est blessant.
Pensez-vous que Jon réapparaîtra ?
Je l'espère. Peut-être pas en vie,
mais peut-être son corps, ou un élément qui permettra de comprendre
ce qui s'est passé. Nous avons besoin de savoir ce qui lui est
arrivé.
Arantxa MANTEROLA
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