LETTRE AU PARLEMENT EUROPEEN ET A
TOUS CEUX QUI PEUVENT SE SENTIR CONCERNES
Marcel LORENZONI. Militant
nationaliste corse incarcéré à la Maison d’Arrêt de Fresnes. France
Pour la première fois depuis une dizaine d’années, un
tribunal français de Paris vient de prononcer de lourdes peines contre
des militants nationalistes corses, pour des faits commis en Corse.
Les attentats reprennent de plus belle. Tout ceci
intervient au lendemain d’élections territoriales marquées ^par un fort
taux d’abstention, une forte progression des partis nationalistes, et
après une vingtaine d’années de troubles graves.
Le Président et l’Exécutif territorial sont élus avec
20 voix sur 51, ce qui rend l’Assemblée ingouvernable.
La situation est de nouveau bloquée, du fait de
l’inadéquation des institutions imposées à la Corse par la constitution
française.
L’échec des mesures du cadre communautaire d’appui, et
autres, appliquées depuis longtemps en est la preuve flagrante. La Corse
veut réaffirmer son identité dans l’ensemble géopolitique auquel elle
appartient. Ce souci est légitime. Cette identité ne peut exister
valablement sans développement économique adapté. Ce développement,
malgré la volonté de l’union européenne, ne peut exister, du fait de
l’engrènement de plusieurs facteurs dont la France est pour l’essentiel
responsable.
A.L’impécuniosité des acteurs économiques :
S’ajoutant aux effets économiques et psychologiques de
la désertification elle rend la moindre initiative entièrement
dépendante des pouvoirs politiques et administratifs.
B.L’absence de moyens réels de formation :
Le clientélisme, base essentielle du système politique
local, a placé nombre d’incompétents à la source des financements
publics, et à la tête des moyens locaux de formation, produisant un
énorme gaspillage de moyen de la collectivité sans résultats sur le
développement et l’emploi.
Un système de bourse et l’envoi d’élèves dans les
meilleurs centres européens ou mondiaux serait certainement plus
productif et moins coûteux.
C.Le comportement de la classe politique :
La constitution française permettant le cumul total
des mandats, dans l’espace et dans le temps sur plusieurs générations, a
permis l’installation en Corse d’une quasi féodalité exerçant son
pouvoir en aval de l’annexion de l’île par la France, et des effets
pervers de la continuité territoriale au service de tous les monopoles,
privés ou publics, rendant la Corse totalement dépendante d’agents
extérieurs.
L’initiative économique est traitée par cette classe
politique en ennemie. Rendue rare par la faiblesse démographique de
l’île et sa totale dépendance, elle est condamnée à l’echec par la
multiplication des obstacles à l’obtention des fonds publics
indispensables.
D.Le rôle de l’administration :
L’administration gère sa part de fonds publics. Sa
contribution intervient en complément des moyens de la collectivité
territoriale. Dans le contexte local, elle a pris depuis toujours le
profil d’une administration coloniale, soucieuse de sa tranquillité,
donc paralysée par les groupes de pression politiques dominants,
internes et externes à l’île. Elle est le deuxième obstacle déterminant,
après la classe politique, à la mise à disposition des fonds au bénefice
des initiatives de développement.
E.La banque :
Si d’aventure, un projet franchi par sa qualité les
obstacles de l’Assemblée de Corse et de l’administration française, il
est quand même condamné par l’impossibilité d’obtenir les crédits
bancaires nécessaires au financement des investissements et du
fonctionnement, les aides publiques ne couvrant l’ensemble des besoins.
Seules les banques française nationalisées sont présentes dans l’île.
Elles ne jouent aucun rôle significatif dans le financement du
développement. La caisse de développement de la Corse (CADEC), dont on a
voulu faire un scandale expiatoire n’a en réalité jamais disposé de la
quantité de capitaux réellement nécessaire au développement de l’île, et
n’a jamais pu prêter aux taux ordinaires que le développement de
première génération peut supporter.
L’ensemble de cette situation, qu’il est impossible de
décrire entièrement ici, rend impossible un fonctionnement normal de la
démocratie.
Le gouvernement français pose en préalable au
développement le rétablissement de l’état de droit. En réalité il masque
ainsi son incapacité rédhibitoire à résoudre ce problème.
Le seul état de droit que l’on puisse concevoir est
celui des droits de la Nation Corse, anéantie par les intérêts français
du XVIIIème siècle, autant par les armes de Louis XV que par celles du
général Bonaparte. Ces droits ont été ignorés par le Congrès de Vienne
de 1815. L'Union Européenne doit réparer cet oubli. Cela doit être
possible en cette période favorable aux repentances diverses. Ainsi et
dès maintenant, au cours d’une période transitoire de 10 ans, il doit
être possible sous le contrôle d’une Commission Communautaire Ad Hoc :
1° : D’expédier les affaires courantes dans
l’esprit de l’Union Européenne et d’assurer le maintien de
l’ordre (réaffirmation de l’objectif n°1).
2° : De refondre le corps électoral corse sur
ses bases nationales en incluant les corses de la diaspora.
3° : De mettre en place les institutions
politiques et administratives de l’île sur les bases démocratiques
définies par ses constitutions dans le passé, et les besoins du présent.
4° : Après référendum, d’intégrer la Corse au
Conseil de l’Europe.
5° : Au terme de la période transitoire de 10
ans, d’organiser un référendum sur l’intégration éventuelle de la Corse
à l’Union Européenne.
Voilà ce qui devrait permettre une issue au problème
corse conforme aux conclusions de la Ligue Internationale des Droits de
l’Homme, dans le sens de la reconnaissance des droits légitimes du
peuple corse, à l’heure où la Méditerranée n’est plus un théâtre
d’affrontement pour les puissances européennes.
FRESNES, le 20 mars 1999
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