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Réunion débat de Voce Populare, le samedi 12 février 2005 : « Flux migratoires, intégration et acculturation : la Corse à la croisée des chemins »
I/ Discours d’ouverture aux organisations et aux sympathisants.
Une centaine de personne était présente au débat organisé par Voce Populare. (Inorganisés, Andattura Corsa, Observatoire corse, Veghia Paesana, E Tre Piazze). Nous prenons acte de l’absence des organisations politiques, de la Ligue des droits de l’homme, de l’association AVA BASTA, de RCFM et de FR3 Corse qui n’ont mandaté aucun représentant pour ce débat public. Nous les remercions de confirmer par cette politique de la chaise vide et de la censure médiatique ce que nous avions dénoncé comme un spectacle dangereux à travers la manifestation anti-raciste du samedi 23 octobre 2004. L’ensemble des organisateurs et des participants de cette manifestation avait en effet choisi d’occulter le problème majeur que rencontre aujourd’hui la Corse par ses flux migratoires et son acculturation.
II/ Déclaration préliminaire de Voce Populare.
Avant d’aborder le problème et, pour écarter tout malentendu, voce populare a tenu à réaffirmer en cette période de commémoration de la Shoah sa solidarité totale à toutes les communautés de culture qui ont subi un génocide et à celles qui sont victimes d’un ethnocide : les Juifs, les Arméniens, les Malgaches, les Palestiniens et bien d’autres. A ce titre Voce Populare a interpellé le gouvernement actuel pour qu’il prenne ses responsabilités, comme il les prit en décidant la dissolution de l’ARC, à l’égard de ceux qui font œuvre de falsification historique dans le domaine culturel et politique. « Nous pourrions nous réjouir des chiffres de la mission interministérielle qui montre que la Corse apparaît après l’île de France et l’Alsace en matière d’actes racistes et, dans les dernières régions en terme d’antisémitisme. Pourtant la seule évocation de notre nation dans ce triste palmarès suscite un dégoût profond. C’est à cet effet que nous vous livrons notre analyse afin que naisse le débat. » déclarait pascal SANTONI.
III/ Le problème tel qu’il se pose à nous aujourd’hui : (synthèse du débat)
Parler de xénophobie en Corse c’est d’abord et avant tout la réinscrire dans une rencontre et une histoire. La Corse et les Corses ont rencontré la xénophobie dans leur histoire, comme tous les peuples qui ont croisé le chemin de la France. Le rejet dans la sphère de la domesticité, entendez dans la sphère de la vie privée, de notre histoire, de notre langue et de notre culture, et ce, depuis 240 ans, a conduit les Corses vers une ambivalence à l’égard de leur propre culture ; tout le monde en parle et s’en revendique mais peu la pratiquent. Cette disjonction entre les pratiques culturelles et la reconnaissance identitaire s’est pourtant accélérée depuis 10 ans alors que la politique de normalisation pratiquée par l’Etat français n’a pas changé dans ce domaine. Nous parlons à cet effet d’un phénomène d’acculturation sans précédent. La « Corse-Jeune », celle-là même, que l’on découvre derrière Clandestini Corsi, derrière l’attentat contre la SONACOTRA ou derrière la profanation de Porto-Vecchio, n’habite plus cette terre, ses lieux de rencontre, ses lieux de paroles ou ses lieux de mémoire. En perte de pratiques culturelles, engagés dès leur plus jeune âge à consommer, à commercer, à communiquer et à se divertir pour s’intégrer dans des logiques libérales, ces jeunes tentent de dessiner une identité et de s’inscrire dans la communauté avec ce qui leur est proposé comme culture corse : une image médiatique et spectaculaire de la Corse et des corses. Nous sommes loin de cette histoire de la Corse qui servit d’exemple et d’inspiration par l’originalité des corses à l’égard de la propriété, de la filiation, des discours dominants et de la reproduction incestueuse ! De ce point de vue, on ne peut déplorer la xénophobie et s’exécuter dans la production d’actualité spectacle. C’est ce que confirme l’étude parlementaire consacrée à la xénophobie : 60% des actes racistes sont commis par des jeunes qui n’ont aucune idéologie raciste et déclarent vouloir faire « comme à la TV » ! Les participants sont tombés d’accords sur le fait que l’avenir de l’île dépendra de la capacité de notre jeunesse à se tenir à la marge de la consommation, de la communication, du commerce et du spectacle pathologique pour produire un rapport original à ceux-ci. A cette acculturation, contre laquelle les pouvoirs ne prennent aucune mesure puisqu’ils l’ont mise en place et continuent de la cautionner, nous devons ajouter un second phénomène qui nous est révélé par le dernier recensement effectué en Corse : Il y a une intensification des flux migratoires qui s’accompagne d’un exil constant des corses qualifiés ! Il y a déjà quatre ans de cela, l’académie de Corse était la seconde académie en terme d’immigration après Créteil (Géographie de l’école). Quand on sait que les dispositifs d’accueil et d’insertion à notre culture comme à l’instruction sont ridicules voire inexistants en corse, on comprendra que le troisième facteur prépondérant dans l’apparition et le développement de cette xénophobie par indifférence repose dans l’échec du système éducatif. Dans une école allergique aux pratiques culturelles et linguistiques endogènes, dans une école qui a fait le deuil de l’exigence d’instruction et qui méprise les arts et métiers, comment intégrer des nouveaux venus dans cette communauté de culture en partie acculturée ?
Si hier encore, les corps de métier, les innovations intellectuelles et le souci d’habiter une terre commune permettaient à notre communauté d’intégrer les étrangers et les marginaux plus qu’ailleurs, nous sommes obligés de constater que le culte commun de la consommation, des échanges, de la communication et du divertissement ouvre inexorablement sur une rivalité mimétique qui conduira bientôt à des affrontements violents. Lorsqu’on désire une même chose difficilement accessible, le rejet de l’autre par indifférence est imparable. On ne peut faire les louanges des lumières et de la modernité sans cautionner ce détachement qui conduit à l’ignorance de l’autre et à l’indifférence face à son rejet. Ce détachement fut, hier encore, produit par des idéologies, aujourd’hui ce rejet repose sur des comportements universellement acceptés : culte de l’image et de la consommation, culte de l’indifférence et de la fraternité fusionnelle, culte de l’information et de la communication, culte de l’actualité et du spectacle.
La xénophobie telle quelle se développe sur le territoire français ne renvoie plus à une logique culturelle de l’identité et de la filiation mais à une concurrence dans l’accès à la jouissance, en l’absence de culture commune, sinon la culture de la loi et la culture de masse. Le Corse, l’Arabe, le Juif, le Portugais, autant de dénominations pour donner du sens à l’exclusion dont sont victimes tous ceux qui n’aspirent qu’à consommer et se divertir !
Acculturation, flux migratoires et absence de formation sont au terme du débat les trois facteurs décisifs dans les actes de xénophobies qui ne peuvent que se multiplier en l’absence de dispositifs pour pallier ces faits. A ce jour, le gouvernement français comme l’assemblé de corse occultent ces facteurs superbement.
Les organisations présentes sont tombées d’accord au terme du débat sur l’urgence de dispositifs permettant d’enrayer l’acculturation, de maîtriser les flux migratoires et la formation en s’appuyant sur un collectif de défense des intérêts de la Corse et des libertés. |