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INTERVENTION DE JEAN-GUY TALAMONI Ghjurnate internaziunale 2004
Au nom de Corsica Nazione et d’indipendenza, je voudrais tout d’abord remercier les délégations des peuples amis qui ont répondu à notre invitation et qui ont apporté leurs contributions à ces journées internationales. Je remercie également les représentants des autres organisations du Mouvement national, formations politiques, syndicales et associatives. Je voudrais enfin adresser un salut fraternel à tous nos prisonniers. J’étais le semaine dernière à la prison de la Santé et j’ai pu rencontrer un certain nombre de nos amis. Leur message est un message d’amitié pour tous les peuples en lutte, d’amour pour leur terre et pour leur peuple, mais aussi de détermination et de combat pour faire prévaloir nos droits nationaux. Libertà per i patriotti !
Nous voici arrivés à la fin d’un cycle. Après le dialogue, après la rupture, après la répression débridée, voici venue l’heure de relever le défi. Aussi, nous le disons clairement, tranquillement mais avec détermination aux dirigeants de la France et à leurs relais locaux : les nationalistes sont devant vous, les nationalistes sont debout, les nationalistes sont unis, et vous les trouverez bientôt sur votre chemin.
Nous avons, et nul ne peut le nier, épuisé toutes les voies transactionnelles. Personne ne peut contester que nous avons participé avec la plus grande loyauté au processus dit de Matignon, puis au dialogue proposé par Nicolas Sarkozy. Les clandestins ont également apporté leur contribution à ces tentatives de construire la paix, en faisant preuve de sens des responsabilité et de retenue, alors même que les agressions parisiennes se poursuivaient et que les engagements des ministres français étaient honteusement reniés. Souvenez-vous d’un ministre français de l’intérieur annonçant à Aiacciu, devant la presse, le rapprochement en Corse de nos frères condamnés. Souvenez-vous du démenti apporté quelques heures plus tard par son gouvernement. Souvenez-vous que l’année suivante, quatre ministres d’un gouvernement ayant une autre couleur politique, venaient solennellement, à la préfecture d’Aiacciu, faire la même promesse. Aujourd’hui, deux ans plus tard, pas un seul prisonnier n’a été rapproché. Souvenez-vous d’un référendum saboté par son promoteur et arraché par une fraude électorale massive. Souvenez-vous de l’engagement pris alors par le premier ministre de la France, aux termes duquel la question institutionnelle serait à nouveau à l’ordre du jour après les élections territoriales. Aujourd’hui, on nous dit qu’il en est plus question. Et à Paris, on s’offusque du boycott décidé par les élus nationalistes à l’occasion de la visite de Monsieur de Villepin. Au nom de quoi aurait-on l’obligation de s’asseoir bien sagement dans l’hémicycle pour entendre et applaudir les sornettes du représentant d’un gouvernement qui a érigé le reniement de la parole donnée en mode de gestion politique, d’un gouvernement - il faut bien le dire - deux fois parjure ? Mais où vous-croyez vous, Messieurs les ministres parisiens ? Nous n’avons pas la prétention de représenter tous les Corses mais nous représentons plusieurs dizaines de milliers d’entre-eux qui nous ont fait confiance. Et nous avons le devoir de faire respecter la dignité de ces Corses. Alors, vous pouvez nous menacer, comme vous le faites habituellement par la voix de vos fonctionnaires de police et de vos préfets. Vous pouvez même demander à certains de vos juges de nous mettre en prison. Vous pouvez nous envoyer le RAID. Vous pouvez nous jeter dans un jet et nous emmener à Paris sur le fondement d’un dossier judiciaire farfelu et pitoyable. Mais ce que vous ne pouvez pas faire, c’est nous obliger à venir assister à vos discours et à vous applaudir comme le font la poignée de harkis que vous avez mis en place avec vos investitures. Ce que vous ne pouvez pas faire, c’est nous empêcher de parler et de dénoncer vos responsabilités, vos turpitudes et vos reniements. Vous ne pouvez pas le faire parce que nous ne vous devons rien. Vous ne pouvez pas le faire car vous n’avez aucune autorité sur nous. Vous ne pouvez pas le faire parce que nous ne reconnaissons aucunement votre légalité sur cette terre qui est nôtre. Vous ne pouvez pas le faire parce que, au cas où vous ne l’auriez pas compris, nous ne sommes pas vos subordonnés mais vos adversaires, et que nous sommes prêts à devenir vos ennemis si vous nous y contraignez par votre aveuglement. Tous les Corses ont pu mesurer les terribles fautes de Paris ayant conduit à l’échec du dialogue. Nous prenons notre peuple à témoin et déclinons par avance toute responsabilité dans la dégradation prévisible de la situation.
S’agissant des relations internes à la communauté corse, nous le répétons solennellement : nous respectons et reconnaissons tous les représentants du peuple corse qui se comportent effectivement comme tels. Mais force est de constater que ce n’est pas le cas de tous les élus insulaires. Les actuels dirigeants de la Collectivité Territoriale de Corse nous font regretter l’équipe précédente qui, malgré ses lacunes, a parfois su résister aux injonctions gouvernementales pour faire prévaloir les intérêts corses qu’elle avait en charge. C’est la raison pour laquelle elle a été écartée par Paris lors des manœuvres qui ont précédé les élections territoriales. Les nouveaux sont, en revanche, totalement serviles et inféodés au gouvernement français, ils sont devenus les faire valoir du préfet, auquel ils ont remis les clés de l’Assemblée de Corse. Ils prennent leurs ordres quotidiennement auprès de leurs maîtres. Ce faisant, ils trahissent honteusement le mandat qu’ils ont reçu de leurs électeurs. Alors que la situation sociale du pays dont ils ont la charge s’aggrave dangereusement, alors que l’économie s’effondre, pendant que la répression frappe leurs compatriotes, pendant que leur peuple s’enfonce dans la crise, ils se congratulent, applaudissent frénétiquement un préfet de police sur le départ et se font remettre des médailles ! Chì vergogna ! Alors, parce qu’ils font, malgré tout, partie de la même communauté que nous, nous leur demandons instamment, une fois encore, de rompre avec cette déshonorante politique de démission, de collaboration et de soumission à Paris. Nous leur demandons de se souvenir que ce sont bien les intérêts des Corses qu’ils sont censés défendre et d’en tirer toutes les conséquences. S’ils reviennent à une attitude plus conforme aux intérêts du peuple corse, nous resterons prêts au dialogue, parce que nous ne sommes pas et n’avons jamais été pour la politique du pire. Mais s’ils persistent dans la démarche qui est actuellement la leur, alors, qu’ils n’attendent pas que nous nous en rendions complices, même par abstention, qu’ils n’attendent aucune complaisance de notre part. Et que l’on ne nous parle pas de respect du fait démocratique, alors cette démocratie est en Corse régulièrement ridiculisée par le fraude électorale, y compris à l’occasion d’élections ou de référendums déterminants ; que l’on ne nous dise plus que l’Assemblée de Corse est un sanctuaire tant qu’elle restera une chambre d’enregistrement de décisions prises ailleurs. Alors, si nous y sommes contraints, nous demanderons, dès la rentrée, à tous les Corses qui refusent la situation qui leur est faite, de le signifier aux dirigeants de la Collectivité Territoriale de Corse, dans la rue, sur le terrain, en manifestant, en occupant leurs bureaux, en investissant et en bloquant leurs administrations. Nous demanderons aux Corses de leur délivrer ainsi une motion de censure populaire qui ne leur permettra plus de poursuivre l’exercice de leurs fonctions. Nous ne leur demandons pas de se soumettre ou de se démettre, mais au contraire de refuser la soumission à des autorités étrangères ou bien, s’ils n’en n’ont pas le courage politique, de se retirer purement et simplement.
Il nous faut dire quelques mots sur l’état du mouvement national, qui, de toute évidence, sera conduit, dans la situation difficile qui s’annonce, à être très présent et à offrir une alternative au peuple corse. Après avoir réalisé et consolidé leur réconciliation grâce au Cumitatu di u Fiumorbu et au protocole de 1999, les nationalistes ont commencé à construire l’union du mouvement national. A travers tout d’abord la création d’Indipendenza, issue de diverses formations nationalistes, puis celle d’Unione naziunale, réalisant notamment la jonction entre le courant indépendantiste solidaire de la lutte armée et le courant autonomiste. Mais Unione Naziunale compte aussi en sein d’autres partis, comme le PSI et l’ANC qui sont venus enrichir la démarche par leurs réflexions propres. Les clandestins du FLNC Union des Combattants ont également apporté une contribution déterminante à la démarche de rapprochement. Il nous faut cependant admettre qu’à ce jour l’union, bien avancée, n’est cependant pas complète, et nous invitons solennellement tous nos frères nationalistes à la rejoindre. Cum’è lu dice unu di i nostri canti : « Hè ghjunta l’ora di fà l’unione per a salvezza di a Nazione. » Corsica Nazione et indipendenza tiennent par ailleurs à réaffirmer leur engagement au sein de A Cunsulta naziunale et appellent les formations qui n’en sont pas encore partie prenante à l’intégrer, pour renforcer cet espace indispensable de reconstruction nationale. Mais l’union, qui est indiscutablement le maître mot, ne signifie pas uniformité. C’est pourquoi notre courant devra, dès la rentrée prochaine, se structurer à travers la fusion de Corsica Nazione et Indipendenza en un grand parti indépendantiste qui constituera une composante majeure de l’union. Car en ce qui concerne nos deux formations, l’indépendance demeure, sans la moindre ambiguïté, le seul objectif à terme permettant à notre peuple de recouvrer ses droits nationaux, de prendre toute sa place dans l’Europe en construction, et de le faire en toute liberté, en pleine souveraineté. Oghje, più chè mai, indipendenza,sola speranza !
Mais ce redéploiement structurel du mouvement national ne serait rien s’il ne se mettait pas au service d’un véritable projet de société. Ce dernier est en cours d’élaboration. Les discussions ont déjà bien avancé au sein d’Unione Naziunale, mais également au sein du mouvement syndical et associatif. Il nous faut en préciser les orientations dans les semaines et les mois à venir. Pour leur part, Corsica Nazione et Indipendenza ont poursuivi leur réflexion et en soumettront le fruit à leurs partenaires d’Unione Naziunale et à l’ensemble du mouvement patriotique.
Pour nous, il est clair que les nationalistes se doivent d’être constamment auprès de ceux qui, parmi les Corses, connaissent les plus grandes difficultés. Dans cette perspective, il convient de renforcer notre présence sur le terrain social, aux côtés de nos frères du Sindicatu di i Travagliadori Corsi. Il nous faut ici saluer la lutte du STC pour la défense des intérêts des travailleurs corses et notamment l’action énergique et efficace de ses marins pour la corsisation des emplois, face à l’intransigeance de la SNCM qui joue systématiquement contre la Corse. Il nous faudra bien un jour, que nous espérons proche, en tirer toutes les conséquences et nous assurer la maîtrise de nos transports à travers le départ de la SNCM et son remplacement par une compagnie maritime nationale corse. S’agissant des travailleurs indépendants, Corsica Nazione et Indipendenza apportent leur soutien au nouveau syndicat « Rinascita di l’ecunumia », qui a déjà arraché de haute lutte la présidence du Comité Régional des pêches, le Centre de formation des apprentis et la Chambre de métiers de la Haute-Corse. Cette institution, qui était dans une situation financière catastrophique, a été redressée en deux ans seulement par les nationalistes qui ont accédé à sa direction. Même le préfet français, pourtant peu suspect de sympathie à notre égard, a été obligé de le reconnaître publiquement. Cette simple constatation montre que les nationalistes n’ont pas vocation à demeurer dans l’opposition et qu’ils doivent progressivement accéder aux responsabilités. Sur cette lancée, les nationalistes seront présents aux élections des chambres de commerce qui se dérouleront dans quelques semaines. En ce qui concerne l’agriculture, secteur sinistré par l’action conjuguée de l’administration française et du Crédit agricole, Corsica Nazione et Indipendenza appellent les nationalistes à rassembler leurs forces et à s’unir solidement dans la perspective des prochaines échéances. Le mouvement national continuera à répondre présent chaque fois qu’un agriculteur se verra contester sa place sur sa terre. Nous n’accepterons pas que des opérations à but spéculatif soient substituées à des activités ancestrales qui font partie à la fois de notre économie et de notre culture nationale. En ce qui concerne notre patrimoine naturel et environnemental, nous réaffirmons solennellement, à l’adresse des spéculateurs de tout poil, que les nationalistes ne permettront pas que la loi littoral soit remplacée par des mesures moins contraignantes. Ils demeureront un rempart contre la bétonisation de nos côtes et la mise à l’encan de notre terre et de nos maisons. Comment ne pas évoquer la situation de notre langue nationale ? Celle-ci demeure menacée de disparition alors qu’elle est une part de nous-mêmes. Nos jeunes, lycéens et étudiants, se sont mobilisés pour sa survie. Nous saluons leur combat et nous serons toujours à leurs côtés pour exiger que la langue corse retrouve la place qui est naturellement la sienne sur la terre de corse. A titre d’exemple, la corsophonie dans le monde du travail constitue un élément essentiel de la corsisation des emplois. Nous ferons à cet égard des propositions précises dans les semaines à venir. J’en viens à la question des prisonniers : Paris doit se convaincre qu’il n’y aura jamais d’apaisement ni de solution politique sans la prise en compte de tous ceux qui ont payé le prix fort pour la Nation. Leur rapprochement en Corse n’est bien évidemment qu’un premier pas vers leur libération, car leur véritable place n’est pas à la prison de Borgu mais avec leurs familles. Toutefois, une délibération unanime a été prise par l’Assemblée de Corse en faveur de leur rapprochement et nous n’accepterons pas qu’elle soit bafouée par Paris ou qu’elle ne soit pas défendue avec vigueur par ceux qui l’ont voté avec nous et qui ont la charge de la faire appliquer. Il s’agit ici, que les choses soient claires, d’un casus belli, et chacun sera amené à assumer toutes ses responsabilités.
Eccu u missaghju di Corsica Nazione è d’Indipendenza, Ghje un missaghju d’unione, di resistanza è di libertà. E ramentemuci ciò ch’ellu dicia u babbu di a Patria, Pasquale Paoli : « Se no simu d’accordu, stretti è uniti, tuttu otteneremu » ! LIBERTA PER I PATRIOTTI CORSI LIBERTA LIBERTA Evviva a lotta, Evviva u populu corsu, Evviva a nazione ! |