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Discours d'Edmond Simeoni en langue
Française
M. Edmond SIMEONI
Ceux qui n’avez pas qualité pour rester dans la salle, je vous demande de la quitter.
La séance va reprendre.
Ainsi un vote clair, transparent, démocratique, sans aucune concertation avec quiconque qu’avec ceux qui nous ont mandatés, s’est transformé, semble t-il, en un coup de Trafalgar.
On est taxé indirectement de noirs desseins. En l’occurrence, on est dans l’erreur. Mais je ne pense pas qu’on puisse réhabiliter la démocratie et dénigrer les jeux politiciens quand le système politique que nous avons se complait depuis bientôt deux siècles dans ce genre de pratiques.
Ce n’est quand même pas nous qui sommes à l’origine permanente des alliances contre nature, des trocs confondant tous les échelons départementaux, territoriaux, municipaux.
Ce n’est quand même pas nous qui passons des accords à Castirla.
Ce n’est pas nous qui passons des accords à l’Hôtel de la Paix. Cela dépasse singulièrement le cadre des concertations démocratiques pour rentrer dans un système qui est un système de l’arbitraire, de la négation du droit.
Ce n’est tout de même pas nous qui sommes constamment compromis dans des fraudes électorales graves, répétitives, organisées, prouvées, sanctionnées par les tribunaux et je pense que M. SARKOZY et M. PERBEN, dûment prévenus concernant les élections de juillet 2003, du référendum, dont chacun s’est prévalu suivant ses sensibilités pour exalter la République, la prise de conscience du peuple corse, je pense que leur tolérance a été maximale pour donner au conservatisme des chances de survivre.
Il y a eu des fraudes graves. Il y a eu près de 500 auditions sur procès-verbal et, pour l’heure, après les enquêtes préliminaires, cette justice qui donne souvent des signes de somnolence ailleurs, parce que quand on critique la Corse, nous avons tout de même les yeux ouverts sur le Crédit Lyonnais, sur les affaires des Hauts de Seine, sur les affaires concernant le Président de la République, sur les affaires concernant la gauche, la droite, le centre, le milieu. Donc, on essaie de nous culpabiliser en disant : mais aujourd’hui, il s’est passé quelque chose d’anormal.
Je mets au défi quiconque de dire que nous avons eu un contact avec une organisation quelconque, une stratégie concertée. Nous avons voté en conscience, non pas pour M. de ROCCA SERRA que nous combattons loyalement comme nous avons combattu son père, que nous respections indépendamment d’idées politiques différentes, comme nous avons combattu M. GIACOBBI, que nous respections aussi comme nous respectons son fils, nous avons combattu le système claniste dans toutes ses implications quotidiennes et il n’y a jamais eu de notre part ni excès, mais en même temps, véritablement aucune complaisance.
Alors, quand aujourd’hui on se pare des plumes de la vertu en disant aux Corses et à l’opinion publique : la Corse est dans une crise grave parce qu’un groupe de huit nationalistes qui avait dénoncé pendant des mois, qui avait fait campagne en disant qu’en aucun cas il n’accepterait d’avaliser une candidature de M. ZUCCARELLI, alors que cela a été confirmé par 24.000 électeurs, alors que nous avons fait des dizaines de meetings, alors qu’hier soir nous avons réuni 500 personnes, on tente de nous dire : mais que se passe t-il ?
Mais il se passe ce qui se passe en démocratie : quand on a un mandat, on l’exécute ! Et le mandat a été réalisé sans ostracisme, sans haine pour quiconque, sans compromission avec quiconque.
Donc, je crois qu’il faudrait que nous trouvions le sens de la mesure parce que ce système que beaucoup d’entre vous ont installé, cautionné, soutenu, c’est un système qui mène la Corse à sa perte. Vous avez bâti trop de situations politiques sur les COTOREP, sur la corruption, sur le népotisme, sur la prévarication, sur la fraude électorale, ne laissant à la démocratie qu’un espace succinct pour s’exprimer, pour respirer, pour s’opposer démocratiquement. Et vous vous étonnez parfois que la violence - nous comprenons parfaitement que vous la critiquiez -, vous vous étonnez que la violence soit née dans ce pays !
Mais comment peut-on résister, année après année, à ce saccage de la vie publique, à l’intrusion permanente du système politique étatique français dans la vie démocratique, non pas pour conforter les espaces publics, non pas pour donner du courage aux citoyens, non pas pour sanctionner les erreurs, mais tout simplement pour conforter les féodalités, vous venez nous dire : il y a de la violence.
Mais la violence-mère où elle est ? La violence, je vais vous dire où elle est, je vous l’ai dit dans le discours préliminaire, je l’ai fait sans passion. La violence, elle est quand on interdit aux gens de parler leur langue ! La violence, elle est quand on interdit aux gens d’acquérir des biens parce que les lois d’un marché véritablement excessives, en fait, pénalisent les gens les plus modestes ! Quand la loi « Littoral », par exemple, souvent est soutenue par des gens très nantis qui veulent que cela reste un véritable parc d’indiens, même s’il y a des gens comme nous qui soutenons l’application de la loi littoral, est-ce que vous pensez qu’il y a de l’équité ? Est-ce que vous pensez que des Corses qui n’ont pas spéculé et qui se trouvent aujourd’hui pénalisés par ce type de politique, est-ce que vous pensez que la passivité va durer 107 ans et qu’on va assister impassible à ces espèces d’entrechats qui consistent à déférer, faute de quorum, aux assemblées départementales deux élections, le lendemain des élections territoriales ? Oui.
Vous avez des échanges permanents qui sont malsains, qui sont pervertis. Il n’y a pas de place, là, pour la démocratie. Moi, je voudrais vous adjurer d’une chose : que vous gagniez des majorités, nous les respecterons. Quand nous ne serons pas d’accord, nous vous combattrons démocratiquement comme nous vous avons toujours combattus démocratiquement sans excès, avec mesure. Mais je vous adjure de faire un effort de lucidité et d’autocritique pour comprendre que le système qui vous a donné naissance, dont vous êtes les héritiers et les bénéficiaires, il a vécu ! Autrement vous n’allez pas laisser d’autre alternative aux jeunes générations que celle de la démission suicidaire ou de la révolte violente sans issue.
Donc, nous allons repasser à l’exercice qui consiste, après la démission du Président, il a assumé ses responsabilités, il n’y a pas de commentaires à faire là-dessus, nous allons passer à l’exercice de façon à comptabiliser, à voir si les quorum sont atteints, nous allons jouer le jeu de l’institution.
Mais on comprend que vous consultiez Paris. On comprend que l’affaire soit grave. On comprend que pour la majorité de droite étrillée avec une telle sévérité dans toutes les régions françaises, on veuille sauver ce petit morceau de peau de chagrin qui reste. Mais de grâce, laissez-nous respirer, laissez-nous vivre, donnez une chance, véritablement, à l’espérance collective parce que à forza d’incalcà u chjodu, à forza d’impidisce a pignata di bolle, sapete ciò chì si hà da passa, avemu da vultà torna dans le cycle terrible de la violence et puis de la répression qui la suit !
Eh bien, nous, nous ne sommes pas ici pour couler l’institution, nous l’avons dit même ce matin, nous sommes ici pour tendre la main. Si vous présentez des combinaisons démocratiques acceptables, transparentes, vous vous apercevrez que nous sommes des hommes de dialogue, que nous soutiendrons des hommes et des projets qui ne partagent pas nos convictions et nous mènerons le combat sur tous les terrains avec les moyens qu’implique la démocratie. Mais il faut mettre fin à cette culture de l’aliénation ! C’est un piège mortel, non pas pour les gens de mon âge, leur vie est derrière eux, leurs espérances sont finies, attention aux générations qui montent !
Alors, nous allons passer au travail. Nous, on jouera notre rôle modestement, consciencieusement. Ne croyez pas que ce soir on se réjouisse d’avoir fait un coup. On serait bien content, ce soir, qu’il y ait un Président, un exécutif, des institutions et qu’on se mette au travail parce que les challenges, Messieurs et Mesdames, ils sont devant vous et ils sont devant nous. Et les challenges, je crois que la société corse qui est archaïque, qui est une société de cooptation alors que nous sommes dans un monde de compétition, je crois que la société corse qui est une société de médiocrisation alors qu’il faut aspirer à l’excellence, que la société corse qui doit être une société d’espérance alors que le nivellement se fait par le bas, je crains véritablement que nous n’allions à la catastrophe.
Nous connaissons nombre d’entre vous, nous connaissons tous les remous qui agitent toutes les sphères politiques et qu’est-ce qu’on entend dire ? Il faut trouver des remèdes pour véritablement garrotter la société de façon qu’il y ait des majorités qui soient des majorités je dirais pratiquement intangibles. Mais la garantie n’est pas là ! La garantie, elle est dans un jeu transparent, démocratique, avec des gens qui jouent le jeu des institutions. La seule garantie populaire et démocratique est là !
Vous dites : la violence. Vous avez raison, aucun citoyen, aucune femme normale, aucun homme normal ne peut être pour la violence. Mais dites-moi, la plupart d’entre nous, est-ce que les 25.000 exclus qui sont dans la rue, qui n’ont rien à manger, cela vous empêche de dormir, cela vous empêche de vivre ?
Ah, vous pensiez aux dispositifs, les minima sociaux, l’aide au logement ! Est-ce que vous voyez la collectivité s’impliquer dans les challenges sociaux, dans les luttes importantes ? Oui, bien entendu, du travail a été fait ! Oui, c’est vrai, il a été fait en particulier à l’ADEC puisque j’ai un vis-à-vis qui s’appelle Jean-Claude GUAZZELLI, il a été fait aussi par d’autres dont nous ne partageons pas les idées. Mais vous croyez que c’est par des coups de baguette magique que vous allez résoudre le problème du développement uniquement par, je dirais, des combinaisons d’arrière-salles ou des propos de comptoir ? Il faut un souffle, il faut une volonté, il faut une concertation, il faut une majorité, il faut une opposition saine et constructive.
Si vous sortez de ce schéma, vous allez survivre, nous allons survivre, nous allons nous opposer, nous allons vous combattre et aujourd’hui, le débat démocratique qui devait marquer l’initiation d’une période essentielle est surtout stigmatisé par quoi ? Par l’absence de la gauche qui est partie. Mais c’est quelque chose de tragique de s’en aller comme cela ! Les problèmes, quand ils existent, il faut les affronter !
Alors, on entend dire qu’on ne veut pas voter avec nous. Dites-moi, pourquoi nous sommes des émules de LE PEN ? Nous sommes des gens infréquentables ? Nous sommes des voyous ? Nous sommes des gens qui ne respectons pas les règles ?
En général, nous ne sommes pas des gens critiquables sur le plan de la morale publique ou privée. Quì, l’ascelle sò chjare. Soldi ùn ne pigliemu micca. Avantaghji qui ne sont pas dus, on ne les revendique pas. Je mets au défi un seul des conseillers ici et des autres présents de dire une fois que nous avons tenté une manœuvre oblique. Vous savez que nous sommes des partenaires loyaux. Nous voulons dépasser les querelles, nous voulons dépasser notre drapeau, nous voulons dépasser les exigences étriquées de nos appareils partisans pour véritablement souscrire à un projet collectif. Nous tendons la main et quand nous vous tendons la main, vous nous tournez le dos.
Vous trouvez normal que des gens qui représentent 25.000 voix, on n’ait même pas eu la décence, non pas de discuter avec eux pour faire une union - vous êtes tout à fait libres de vos choix et c’est démocratique - mais même pas parler, comme à des pestiférés, parler de cordon sanitaire ? Pourquoi, nous sommes des nazis ? Pourquoi, nous sommes véritablement des gens qui ne respectons aucune règle ?
Alors, je voudrais appeler à un peu de mesure. J’ai profité de cette occasion ; vraiment, c’est peut-être une des occasions ultimes de ma vie dans une fonction intérimaire que, croyez-moi, je céderai sans aucune appréhension et sans aucune envie pour vous dire simplement qu’il faut faire un effort collectif de révision de nos conceptions, que les campanilismes sont étriqués, qu’il faut avoir recours à des forces transcourants, qu’il faut mobiliser la société, qu’il faut donner de l’espoir, qu’il faut donner du courage, qu’il faut s’engager, qu’il faut se respecter.
Et ce ne sont pas les combines d’arrière-cour qui résoudront quelque chose. Ne croyez pas que le problème corse va être résolu par la répression. Ne croyez pas que le problème corse va être résolu par le laxisme. Le problème corse ne peut être résolu que par la concertation, par la démocratie qu’il faut faire vivre et revivifier, par le travail collectif, par un effort de chacun sur lui-même se tenant à distance de ses propres coteries et de ses propres amis. Voilà l’effort qu’il faut faire sur nous-mêmes.
Je ne vais pas abuser, vous avez été trop gentils de m’écouter, je vous remercie, en particulier Mesdames, et ne pensez pas un instant que cette histoire était préméditée. Il n’y a aucune volonté de briller. C’est attristant devant tous ces médias, la France, demain, va se gloser injustement, je dirais, de nos défaillances collectives. Parce qu’il y a en Corse, n’en déplaise à certains, des dizaines de milliers de personnes qui travaillent, qui se lèvent, qui ont des projets, qui éduquent leurs enfants dans la précarité et dans la difficulté comme partout, dans toutes les régions d’Europe, et que cette stigmatisation est contraire à l’esprit d’éthique, à l’esprit de solidarité, à l’esprit de fraternité et que ceux qui défendent la République avec des arguments qui sont des arguments d’exclusion, sont en fait les fossoyeurs des relations entre la Corse et la France.
Ce qu’il faut, c’est créer un climat tout à fait différent. Aussi, que tout cela porte conseil. Vous n’avez pas, avec nous, de pièges, ùn c’hè micca intrappule ! On n’essaie pas de jouer au plus malin ! On n’essaie pas d’avoir des avantages ! Nous sommes prêts à soutenir loyalement des projets, des majorités tout en conservant, bien entendu, nos options politiques et en essayant de les faire prendre en compte démocratiquement.
Je vous en conjure, faites un effort ou alors démontrez-nous avec des arguments, pas avec des propos de bateleurs, que nous sommes dans l’erreur, qu’on peut suivre d’autres voies, que l’on peut faire vivre la démocratie sans avoir recours aux moyens que nous préconisons nous, que l’on peut favoriser l’entrée du social, que l’on peut progresser, que l’on peut bâtir, montrez-nous le, parce que vous ne pouvez pas exhiber des bilans qui soient des bilans exceptionnels.
Il y a eu des tentatives qui sont des tentatives fortes pour rationaliser l’espace rural, pour codifier les appareils de financement de l’économie. Il y a eu des efforts considérables, mais vous avez compris par rapport à la déshérence sociale du milieu rural, par rapport à la désespérance, par rapport aux exclus, par rapport aux entreprises qui n’arrivent pas à vivre, par rapport à la crise économique, à la mondialisation, que nos efforts sont microscopiques par rapport aux challenges de demain. C’est celle-là la véritable constatation qu’il faut faire !
Si vous n’élargissez pas votre politique, si vous n’accueillez pas les autres mains tendues en gardant vos opinions et en demandant aux autres de vous respecter comme vous les respectez vous-mêmes, la partie sera perdue et vous ne ferez le jeu que de la déliquescence sociale, de la déshérence, du découragement.
Ce qui guette la Corse, ce n’est pas de devenir une région du Tiers-Monde ou du Quart-Monde. Ce qui guette la Corse, c’est qu’en dix, quinze, vingt ans, elle ne devienne un pays comme la Sicile. Pourquoi ? Parce que c’est un pays qui a des richesses naturelles considérables, parce que c’est un pays où la violence est endémique depuis des centaines d’années et qu’elle a connu, c’est vrai, un regain contemporain depuis vingt ans. C’est vrai, mais aussi parce que c’est un pays où demain, avec un marché européen extrêmement solvable, vous avez la possibilité très vite de créer l’économie artificielle.
Oui, vous allez avoir des héliports, vous allez avoir des ports, vous allez avoir des fréquentations, vous allez avoir des sociétés de gardiennage, vous allez avoir des drapeaux corses partout mais vous aurez perdu l’essentiel : vous aurez perdu votre âme et vous aurez rendu impossible tout retour à la démocratie. Ce pays est plus menacé par la mafia dans les cinq, dix, quinze ans qui viennent que par le sous-développement. Bien entendu, il y aura une Corse à plusieurs vitesses, cela, nous le savons.
Moi, je vous demande, je vous adjure de bien comprendre que sans aucun calcul, nous vous tendons la main à toutes et à tous. Vous n’avez pas à attendre de coups bas de notre part. Vous pouvez marcher en nous tournant le dos, nous ne vous ferons pas de mal ! Je voudrais que vous en ayez la conviction.
Je m’excuse d’avoir été un peu long, mais l’occasion m’a permis tout de même de dire un certain nombre de choses que souvent j’écris de façon confidentielle ou que je dis en radotant un peu comme les personnes âgées. Les vieux ont tendance à radoter, c’est connu. Que vienne la relève de jeunes, que vienne la relève de la compétence parce que n’oubliez pas que quand vous allez mettre des gens à des postes clés, nous allons savoir d’emblée si les gens que vous choisissez sont capables ou non de relever les challenges. Avec les hommes et les femmes que vous allez choisir, nous allons le savoir tout de suite. Alors, donnez la priorité aux gens compétents, vous en avez dans tous les groupes, faites des projets, commencez à respecter le jeu institutionnel, nous, nous jouerons le jeu loyalement.
Je vous remercie de m’avoir écouté.
Applaudissements du public et de nombreux élus
Je vous en prie, c’est une assemblée ! Même si les circonstances ont voulu que cela prenne un aspect un petit peu passionnel, je pense que maintenant il faut abandonner les blessures, les rancoeurs, passons au travail qui nous est imparti.
Nous allons faire quoi exactement ? Nous n’avons pas l’habitude. |