Partitu di a Nazione Corsa - 19/11/03
Nationalisme : une évolution capitale
(l’édito d’Arritti du 20.11.2003)
Les nationalistes sont en train de modifier la donne politique en Corse.
L’acceptation d’un processus de sortie de la clandestinité par le FLNC-UC, la
volonté très clairement affichée de s’engager dans la voie de la prise de
responsabilité, et de son partage avec des partenaires, sont des évolutions
dont on mesurera dans quelques temps l’importance capitale A condition bien
sûr que la mise en application des accords politiques soit à la hauteur des
engagements pris devant le peuple corse.
Ces évolutions, le PNC les a souhaitées de toutes ses forces. Il a donc été
intransigeant pour en faire une condition politique préalable. Le reste du
mouvement nationaliste, par contre, semblait prêt à s’accommoder d’une union
sans aucune de ces conditions. Quand nous avons mis le débat sur la
clandestinité au centre des discussions, nous avons d’abord été ignorés, et, à
part celle du PNC, les contributions écrites remises le 9 septembre dernier à
Corti évitaient toutes « l’épineuse question ». Pour les organisations proches
ou membres de la LLN, c’était parfaitement compréhensible. Pour les autres, il
a fallu attendre, et même subir parfois la critique, avant que certaines, ces
toutes dernières semaines, n’emboîtent le pas, en interne par une contribution
écrite comme I Verdi, ou en externe par des positions publiques devenues
nettement plus tranchées (Chjama Naziunale)..
L’évolution fondamentale du nationalisme actuellement en cours est donc le
produit de deux positions politiques : le PNC qui l’a demandée, et la LLN qui
l’a acceptée. Et sa crédibilité tient au fait que le PNC l’a demandée avec une
grande force, et que la LLN l’a acceptée sans détour. De tout cela il faudra
bien sûr tenir compte au moment de définir les modalités pratiques de la
démarche, le programme comme la liste.
Pour l’avenir, si cette étape est franchie dans de bonnes conditions, la donne
politique de la Corse sera radicalement changée. Et cela quand bien même le
succès électoral ne serait pas au niveau espéré, même si aujourd’hui tout
laisse penser qu’il sera au rendez-vous. En effet, l’arrêt de la violence
entrant dans le processus de règlement politique, un schéma majoritaire
regroupant les nationalistes et ceux qui se sont manifesté avec le plus de
force lors du processus de Matignon, à droite comme à gauche, devient
possible, et même probable. A droite; le « repli sécuritaire » de Nicolas
Sarkozy suite à l’échec du referendum trouve sa traduction dans l’éviction de
José Rossi au profit de leaders qui se sont beaucoup moins engagé que lui. A
gauche, le fossé creusé va bien au delà d’une querelle d’hommes, et toute la «
famille » est obligée de se départager entre les deux options, la «
conservatrice » (communistes, Emile Zuccarelli, Nicolas Alfonsi, etc..) ou la
« progressiste » (Giacobbi, une partie des socialistes, Renucci ?,…). Ce
double éclatement crée objectivement les conditions d’une très large majorité,
correspondant d’ailleurs à l’état d’esprit de l’opinion corse tel qu’il
ressort des sondages.
Face à une telle hypothèse, le gouvernement sera au pied du mur. Il sera alors
obligé de faire sa part de chemin, ou bien il portera l’entière responsabilité
de toutes les difficultés que son refus entraînerait. Bilinguisme, statut
fiscal, office foncier, agence du retour seront alors autant d’avancées qui
pourront être menées à bien, avec d’autant plus de résultats que le poids
relatif des nationalistes sera conséquent dans la future majorité de
l’Assemblée de Corse. Au delà, le débat institutionnel sera obligatoirement
relancé, avec pour objectif, au terme de la mandature, un statut d’autonomie
législative pour la Corse, à l’instar de ce qui existe ailleurs en Europe. Et
cela au moment même où la future constitution européenne s’apprête à
reconnaître, même si c’est du bout des lèvres pour l’instant, une réalité
politique originale sous l’appellation de « régions constitutionnelles »,
c’est à dire les régions appartenant à des Etats qui leur concèdent, par la
Constitution, un large pouvoir législatif : länders allemands et autrichiens,
Catalogne, Pays Basque, Galice en Espagne, Ecosse et Pays de Galles en Grande
Bretagne, Flandre et Wallonie en Belgique, Val d’Aoste, Sardaigne et Sud Tirol
en Italie, …..et, d’ici cinq ans, si chacun agit avec constance et lucidité,
la Corse.
François ALFONSI