J’apprends
que votre A.G de 1998 a décidé de se déclarer
nettement et ouvertement pour l’Indépendance, et de le
préciser désormais dans le nom de votre parti. Cette option,
prise plus tôt, dans un débat accepté, aurait évité le
départ de nombre de militants qui, après l’AG Corsica
Nazione de Tagliu Isulacciu, ne se retrouvaient plus dans un
débat interne pour le moins fluctuant, et dans des
comportements et des fonctionnements qui les ramenaient à
une époque que l’on pensait à jamais finie. Les militants,
qui ont formé par la suite le Collectif Per A Nazione, ont
d’ailleurs payé cher le fait de s’être démarqués de ce
système.
Parce que l’indépendance est
un concept sacré, parce que la Corse la cherche depuis des
siècles, parce que beaucoup de patriotes sont morts pour
elle, j’éprouve le besoin de vous écrire, car il ne faut pas
rater ce tournant, et le non-dit peut servir à tout,
sauf à porter un projet.
L’indépendance de la Corse
ne pourra t être celle du Gabon, de la Côte d’Ivoire, ni
même celle de l’Algérie. Elle ne pourra naître que d’une
démarche claire, sereine et partagée par un nombre suffisant
de corses ; Qu’ils le soient par le sang ou par le choix !
Ces corses ne voudront pas d’un
parti
unique.
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La Corse indépendante ne pourra
pas être seulement le pays des vigiles, des transporteurs de
fonds, ou des gardiens des jeux du cirque, bien qu’il n’y ait
point de sots métiers. Pas plus, elle ne pourra s’obtenir à coup
d’entrechats dans les palais parisiens, qu’ils soient
Présidentiels, Ministériels ou clairs-obscurs.
Le terme à la mode, la démarche
ne pourra qu’être plurielle, ouverte et généreuse, sereine et
déterminée, sur la base du plus large consensus, dans le respect
de notre culture démocratique (elle existe !) et de chacun, dans
le souci inévitable de la justice sociale. Cette démarche
demandera des règles de fonctionnement précises, à partir d’un
corps électoral défini par tous, un Parlement et un Exécutif
rendant des comptes. Et les schémas français ne sont sûrement
pas ceux qu’il faut copier. Seules les constitutions fédérales,
en vigueur dans les pays les plus discrets, mais les plus
prospères, peuvent nous servir de modèles.
Si je vous ai choqué, tant
mieux ! Ces lignes n’ont d’autre prétention que celle
d’anticiper un débat nécessaire.
Prison de Fresnes le 18 juin 1998 |