Au-delà de l’envie, du respect et de
l’admiration que nous pouvons avoir, nous autres corses, pour
le statut de neutralité de la confédération helvétique, nous
pouvons admettre que la France du XVIème, XVIIème
et XVIIIèmesiècles ait eu besoin de prendre pied en
Corse, afin d’assurer sa présence en Méditerranée, dès lors que
ses voisins espagnols, autrichiens et piémontais possédaient les
un les Baléares, les autres la Sardaigne et la Sicile. Nous
pouvons admettre que cet intérêt persiste aujourd’hui. Ces
équilibres géopolitiques, dont les fluctuations nous ont même
valu l’existence d’un éphémère Royaume Anglo-Corse (1794.96),
n’expliquent pas à eux seuls le sort qui fut fait à notre île.
Ile ne faut pas perdre de vue que la
Corse possède en Méditerranée pratiquement la même longueur de
rivage que la France. Au moment de son « rattachement »,
dans les conditions historiques que l’on connaît, la Corse est
une île plutôt prospère, gérée pour l’essentiel par un système
démocratique avec une Constitution, une Armée populaire, un
système de justice, une monnaie, une Université, une flotte de
commerce, et un début de développement industriel et agricole
proportionnel à ses besoins, à ses ressources et à sa
population.
Notre île, intégrée à un ensemble
plus grand, et dans ce dernier, confrontée à des intérêts
concurrents, est d’entrée perdante. Intégrée par la force des
armes, barrée au plan culturel, linguistique, coupée de ses
circuits d’échanges traditionnels, elle ne peut résister à
l’action des lobbies économiques des régions continentales mieux
placées. Très vite, le système stratégique de continuité
territoriale, dispositif militaire, installé depuis la conquête,
et encore aujourd’hui financé par le ministre de la Défense
nationale français, se voit parasiter par des intérêts qui n’ont
rien de géopolitique, qui doivent tout à l’impérialisme
économique des régions proches et concurrentes de la Corse, et
de surcroît rendu victorieuses par la force des armes.
C’est là, et dans la volonté
Napoléonienne de capter l’énergie des corses pour son armée et
son administration, qu’il faut chercher l’origine des lois
douanières de 1812 et 1818, qui furent au plan économique, ce
que fut la défaite de Ponte-Novu aux plans politiques et
militaires.
Qui peut refuser d’admettre en effet
qu’une Corse à l’économie développée serait dans l’ensemble
français, la première concurrente de toutes les régions de la
Méditerranée française ?
.
Qui ne sait pas que les milliers de
familles corses contraintes à l’exil ont été forcées, pour
survivre, de mettre leurs capacités au service des régions où le
sort les a fixées, et d’abord Marseille et ses environs ?
Que valent aujourd’hui, dans un
environnement surpeuplé et pollué, nos eaux, nos rivages, nos
montagnes, nos forêts, nos villages ? Ils représentent un
capital inestimable, propriété légitime de notre peuple ! |
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Comment
ne pas voir que tout est fait pour déposséder ce peuple de son
bien ! En effet, après nous avoir écrasé par les armes et les
lois, le magma d’appétits appelé « France » drapé des
trois couleurs de 1789, s’attaque aujourd’hui à une communauté
qu’il croit exsangue. Après nous avoir cru assimilés, après nous
avoir ruinés, exilés, utilisés, promus individuellement,
aujourd’hui ils veulent s’attaquer, par une action psychologique
de guerre, à l’intimité même de nos structures mentales, pour
enfin détruire le fondement culturel de notre Résistance, notre
Mental.
N’allons pas chercher ailleurs les
explications de tous les programmes de développement ratés, de
la stérilité de toutes les « évolutions institutionnelles »,
de l’attitude la Banque envers les entreprises corses, des
comportements des principaux leaders politiques, de la politique
de peuplement accentuée ces dernières années, de la destruction
au profit de groupes étrangers de notre commerce et de nos
entreprises, et l’impossible développement de notre agriculture.
Dans ce système, qui mêle
indistinctement les intérêts militaires, économiques, régionaux
et corporatistes, la Corse sera l’éternelle lésée, même
si des corses de moins en moins nombreux, tirent au plan
individuel ou familial leur épingle du jeu.
Notre communauté, physiquement de
plus en plus faible, et soumise à des mutations profondes,
risque, avant de retrouver à long terme de nouveaux équilibres,
de se voir purement et simplement dépouillée de son patrimoine.
L’état français dans la situation
révelée par le meurtre du Prefet Erignac, semble vouloir faire
disparaître le statu quo anté, fait pour l’essentiel
d’expédients juridico-politiques. La Normalisation semble en
marche. Outre le fait qu’on ne sait pas si elle sera menée à son
terme, ce qui est peut être souhaitable, le système qu’elle
détruit sera remplacé dans l’immédiat par un vide qui ne
répondra pas aux élémentaires besoins matériels de ce qui reste
de vie économique, ce qui risque d’entraîner ce que d’aucuns
souhaitent depuis longtemps, une véritable braderie du
patrimoine foncier et bâti.
Il y a là un grave casus belli.
Ayant pu constater les désastreux résultats de l’utilisation
incontrôlée des armes face à un des systèmes militaire et
policier les plus cohérents du Monde, où donc se situe pour nous
la solution ? Il y en a-t-il ? La réponse est oui, à condition :
1.D’admettre nous-mêmes nos
différences, pour faire reconnaître la notre ;
2.De cesser de penser a ciarbellu in
prestu ;
3.De rassembler nos forces vives, à
l’abri des faux prophètes ;
4.De réapprendre la référence à la
fronde de David ;
5.D’apprendre à jouer des
contradictions de l’ennemi, en sachant reconnaître exactement
son action ;
6. En faisant le tour de nos amis,
et ils sont nombreux en France et dans le Monde, pour plaider le
Droit à notre identité.
Fresnes le 16 juin 1998 |