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La France en Corse  De Marcel Lorenzoni
Fresnes le 16 juin 1998

     

Au-delà de l’envie, du respect et de l’admiration que nous pouvons avoir, nous autres corses, pour le statut de neutralité de la confédération helvétique, nous pouvons admettre que la France du XVIème, XVIIème et XVIIIèmesiècles ait eu besoin de prendre pied en Corse, afin d’assurer sa présence en Méditerranée, dès lors que ses voisins espagnols, autrichiens et piémontais possédaient les un les Baléares, les autres la Sardaigne et la Sicile. Nous pouvons admettre que cet intérêt persiste aujourd’hui. Ces équilibres géopolitiques, dont les fluctuations nous ont même valu l’existence d’un éphémère Royaume Anglo-Corse (1794.96), n’expliquent pas à eux seuls le sort qui fut fait à notre île.

 

Ile ne faut pas perdre de vue que la Corse possède en Méditerranée pratiquement la même longueur de rivage que la France. Au moment de son « rattachement », dans les conditions historiques que l’on connaît, la Corse est une île plutôt prospère, gérée pour l’essentiel par un système démocratique avec une Constitution, une Armée populaire, un système de justice, une monnaie, une Université, une flotte de commerce, et un début de développement industriel et agricole proportionnel à ses besoins, à ses ressources et à sa population.

 

Notre île, intégrée à un ensemble plus grand, et dans ce dernier, confrontée à des intérêts concurrents, est d’entrée perdante. Intégrée par la force des armes, barrée au plan culturel, linguistique, coupée de ses circuits d’échanges traditionnels, elle ne peut résister à l’action des lobbies économiques des régions continentales mieux placées. Très vite, le système stratégique de continuité territoriale, dispositif militaire, installé depuis la conquête, et encore aujourd’hui financé par le ministre de la Défense nationale français, se voit parasiter par des intérêts qui n’ont rien de géopolitique, qui doivent tout à l’impérialisme économique des régions proches et concurrentes de la Corse, et de surcroît rendu victorieuses par la force des armes.

C’est là, et dans la volonté Napoléonienne de capter l’énergie des corses pour son  armée et son administration, qu’il faut chercher l’origine des lois douanières de 1812 et 1818, qui furent au plan économique, ce que fut la défaite de Ponte-Novu aux plans politiques et militaires.

 

Qui peut refuser d’admettre en effet qu’une Corse à l’économie développée serait dans l’ensemble français, la première concurrente de toutes les régions de la Méditerranée française ?

.

Qui ne sait pas que les milliers de familles corses contraintes à l’exil ont été forcées, pour survivre, de mettre leurs capacités au service des régions où le sort les a fixées, et d’abord  Marseille et ses environs ?

Que valent aujourd’hui, dans un environnement surpeuplé et pollué, nos eaux, nos rivages, nos montagnes, nos forêts, nos villages ? Ils représentent un capital inestimable, propriété légitime de notre peuple !

 

 Comment ne pas voir que tout est fait pour déposséder ce peuple de son bien ! En effet, après nous avoir écrasé par les armes et les lois, le magma d’appétits appelé « France » drapé des trois couleurs de 1789, s’attaque aujourd’hui à une communauté qu’il croit exsangue. Après nous avoir cru assimilés, après nous avoir ruinés, exilés, utilisés, promus individuellement, aujourd’hui ils veulent s’attaquer, par une action psychologique de guerre, à l’intimité même de nos structures mentales, pour enfin détruire le fondement culturel de notre Résistance, notre Mental.

 

N’allons pas chercher ailleurs les explications de tous les programmes de développement ratés, de la stérilité de toutes les « évolutions institutionnelles », de l’attitude la Banque envers les entreprises corses, des comportements des principaux leaders politiques, de la politique de peuplement accentuée ces dernières années, de la destruction au profit de groupes étrangers de notre commerce et de nos entreprises, et l’impossible développement de notre agriculture.

Dans ce système, qui mêle indistinctement les intérêts militaires, économiques, régionaux et corporatistes, la Corse sera l’éternelle lésée, même si des corses de moins en moins nombreux, tirent au plan individuel ou familial leur épingle du jeu.

 

Notre communauté, physiquement de plus en plus faible, et soumise à des mutations profondes, risque, avant de retrouver à long terme de nouveaux équilibres, de se voir purement et simplement dépouillée de son patrimoine.

L’état français dans la situation révelée par le meurtre du Prefet Erignac, semble vouloir faire disparaître le statu quo anté, fait pour l’essentiel d’expédients juridico-politiques. La Normalisation semble en marche. Outre le fait qu’on ne sait pas si elle sera menée à son terme, ce qui est peut être souhaitable, le système qu’elle détruit sera remplacé dans l’immédiat par un vide qui ne répondra pas aux élémentaires besoins matériels de ce qui reste de vie économique, ce qui risque d’entraîner ce que d’aucuns souhaitent depuis longtemps, une véritable braderie du patrimoine foncier et bâti.

Il y a là un grave casus belli. Ayant pu constater les désastreux résultats de l’utilisation incontrôlée des armes face à un des systèmes militaire et policier les plus cohérents du Monde, où donc se situe pour nous la solution ? Il y en a-t-il ? La réponse est oui, à condition :

1.D’admettre nous-mêmes nos différences, pour faire reconnaître la notre ;

2.De cesser de penser a ciarbellu in prestu ;

3.De rassembler nos forces vives, à l’abri des faux prophètes ;

4.De réapprendre la référence à la fronde de David ;

5.D’apprendre à jouer des contradictions de l’ennemi, en sachant reconnaître exactement son action ;

6. En faisant le tour de nos amis, et ils sont nombreux en France et dans le Monde, pour plaider le Droit à notre identité.

 

Fresnes le 16 juin 1998

 

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