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Paul-Antoine Luciani : " Changer la logique de l'investissement public ". (Photo Michel Luccioni)
 

 

Après le vote de l'assemblée de Corse

Paul-Antoine Luciani et la question des institutions

Conférence de presse de Paul-Antoine Luciani à l'assemblée de Corse. Il s'agit de " dénoncer les pratiques antidémocratiques " et la " campagne de haine " qui a fait suite au vote des élus ; d'affirmer que la mobilisation de ceux qui ont affiché une conviction majoritaire continue ; d'interpeller enfin chaque démocrate sur cette situation d'après décision...

Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de vous être ralliés au RPR ?

- Que c'est faux. Le texte majoritaire regroupe effectivement des élus de droite et de gauche. Mais il résulte d'une fusion entre trois documents : la motion PRG, la motion social démocrate et la motion communiste.

" Cette fusion n'a été possible que le vendredi 10 mars en milieu de journée, quand il était devenu patent que Paul Giacobbi avait définitivement rompu avec ses amis. Alors que, dans un communiqué signé le 5 mars à Venaco et publié dans vos colonnes le 6 mars, les trois partis de gauche avaient donné mandat à leurs élus de " rechercher une position commune ", les élus communistes ont été tenus à l'écart des négociations durant toute la nuit de jeudi à vendredi. Nous n'avons eu que quelques contacts (sans vrais débats), en fin de journée, avec Emile Zuccarelli. Les choses se passaient visiblement ailleurs. Paul Giacobbi, Simon Renucci et Laurent Croce prenaient des contacts et rencontraient, entre autres, Toussaint Luciani, José Rossi et même, " accidentellement " Jean Guy Talamoni... Mais, vers 3 h 15 du matin, ils refusaient ma présence à une réunion de la gauche non communiste.

" La situation s'est retournée le vendredi matin, car le PRG s'était divisé. Paul Giacobbi et Laurent Croce avaient signé un accord séparé avec la droite libérale et les séparatistes.

" La majorité du PRG et Simon Renucci se sont alors rappelé que nous existions. Il leur a bien fallu prendre en compte certaines de nos propositions. Un texte de synthèse a été élaboré entre nos trois groupes. Certains élus de droite l'ont contresigné sans modification et Pierre Chaubon l'a présenté devant l'assemblée de Corse.

" Pourquoi un ralliement d'une partie de la droite à la majorité des groupes de gauche serait-il qualifié d'" alliance contre nature ", tandis que les arrangements d'une autre partie de la droite avec les séparatistes et quelques personnalités de gauche devraient être célébrés comme une petite merveille progressiste ?

Pourquoi ne pas avoir voté contre la motion Giacobbi ?

- Le Premier ministre a relevé, devant l'Assemblée nationale, que 48 élus sur 51 s'étaient exprimés sur deux textes. Personne n'a voté contre personne, mais une majorité absolue s'est dégagée sur un projet. Certains minoritaires ont alors décrété que la majorité avait refusé la main que tendaient les nationalistes ! Qu'aurions-nous entendu si la motion Giacobbi avait été purement et simplement rejetée ?

" Ces deux votes positifs expriment en réalité une double volonté politique : respect de la règle démocratique, et donc du vote majoritaire, respect du droit de la minorité à faire des propositions. N'est-ce pas, au fond, ce que souhaitait le Premier ministre ?

 

Pourquoi le débat a-t-il été centré presque exclusivement sur l'autonomie ?

- Depuis la rencontre de Matignon, un pilonnage médiatique sans précédent veut imposer l'idée d'une assemblée de Corse coupée en deux camps : les " conservateurs " et les " progressistes ". Les progressistes seraient les partisans de l'autonomie. Les conservateurs, tous les autres. Cette vision simpliste et manichéenne sert de pensée unique à nombre d'" observateurs " devenus militants de l'autonomie. Malheur à celui qui émettrait un doute sur les vertus politiques du " pouvoir législatif corse " ! Il est immédiatement cloué au pilori. Il s'expose aux injures plurielles des nationalistes, des nouveaux autonomistes et des libéraux, lesquels ont reçu le renfort de MM. Barre, Léotard, et Balladur.

" Le débat sur l'avenir de la Corse a été confiné dans une seule problématique : celle de l'évolution institutionnelle.

" Le développement économique ? La lutte contre le chômage et les exclusions ? L'affaiblissement des services publics ? La faillite de certains organismes financiers " autonomes " ? La défiance des banques ? La chute spectaculaire (moins 37 %) des financements européens en faveur de la Corse ? Les retards historiques en matière d'infrastructures ? L'endettement des collectivités locales qui bloque l'investissement et la commande publique ? On verra plus tard. L'important, c'est l'autonomie à venir. La société et l'économie attendront.

Les deux textes adoptés par l'assemblée de Corse comportent des ressemblances et des différences. Les différences concernent le degré d'autonomie dont la Corse a besoin et les moyens financiers de cette autonomie. Ce deuxième aspect est rarement évoqué par ceux qui privilégient le débat institutionnel, mais, dans la période qui s'ouvre, il va prendre toute son importance.

Et la position de votre groupe ?

- La motion déposée par notre groupe, dont une partie seulement figure dans le texte majoritaire, n'évacue pas la question des institutions. Elle les remet simplement à leur place. Elle leur laisse leur véritable rôle : favoriser la prise de responsabilité des Corses.

" Mais nous ne séparons pas cette question de la question culturelle et du développement économique. Notre texte demande notamment un changement radical dans la politique qui a été suivie par les gouvernements successifs à l'égard de la Corse. Il faut changer la logique de l'intervention publique : l'investissement productif et éducatif doit prendre le pas sur le privilège fiscal. Rompre avec la politique du guichet, soutenir le projet, permettre la prise de responsabilité, c'est, bien sûr, accorder des compétences élargies, mais c'est aussi et surtout investir pour rendre le projet possible.

Propos recueillis par Jacques RENUCCI.