P.Paoli : “ J’ai vu Bernard vainqueur, mais je n’ai pas été le seul. Le public, les commentateurs de Canal+, tous les spécialistes du monde de la boxe le voyaient au dessus. L’intervention de Jean-Claude Bouttier (ndlr : le monsieur boxe de Canal+) a été claire : il a dit avant la fin du match qu’il ne comprendrait plus rien à ce sport si Bernard ne gagnait pas. Cette défaite laisse un goût amer. La boxe n’en sort pas grandie. Après sa défaite contre Narvaez, Bernard voulait arrêter. Il a bossé, a pris sur lui. Vendredi, il a appliqué les consignes à la lettre et a boxé comme un champion. Il a montré une palette complète. Qu’aurait-il dû faire pour avoir la faveur des juges ?

Jean-Claude Bouttier, qui n’a absolument rien compris à la sentence, a comparé ce combat à celui perdu par Oscar de la Hoya face à Floyd Mayweather. Le juge suisse a donné Sarritzu vainqueur (115-113)...

Il faut rappeler que Canal+ est le promoteur de Brahim Asloum. Bernard n’est sous contrat avec personne. Avec nos petits moyens, nous le faisons bosser car j’ai toujours cru en lui et en ses qualités. Bouttier, qui arrive aussi en fin de course, a dit ce qu’il avait sur le cœur. Personne ne peut comprendre ce nul. Il avait gagné le combat. L’incompétence des juges peut ruiner une carrière. Concernant ce juge suisse, je ne lui en tiens pas rigueur car c’est un débutant. Ce qui me chagrine, c’est que le juge belge (Van de Wiele) donne le nul. Il côtoie les rings depuis 25 ans et aspire à la présidence de la fédération internationale. Penser que les deux hommes étaient à égalité à la fin du 11e round, c’est un scandale !

On vous sent particulièrement en colère...

Oui car c’est une injustice totale. Quand j’ai commencé à entraîner Bernard au boxing club ajaccien, à 29 ans, il était perdu pour la boxe. Il aurait pu finir sa carrière sur une bonne note et avoir la reconnaissance d’un grand boxeur. Ce combat était pour lui l’opportunité de décrocher une bourse de 30 000 euros qui devait déboucher sur une seconde somme susceptible de lui ouvrir les portes des championnats du monde.

Pour en revenir au match, tout avait parfaitement débuté. Bernard maîtrisait ses enchaînements puis l’Italien s’est rapproché et a touché lors des 4e et 5e rounds. La suite est plus équilibrée, légèrement en faveur d’Inom jusqu’au 11e round où il cogne fort. Vous vous dîtes à ce moment que le titre resterait en Corse ?

A l’appel du 11e round, Bernard a match nul : un juge le donne vainqueur, un autre perdant et le dernier à égalité. Lors des deux derniers rounds, Sarritzu est au bord du KO. Vitesse, engagements, contres, je me suis dit que c’était plié. Sans prétention, j’ai pris Bernard par le bras. J’étais sûr qu’il avait gagné.

Pourtant brillant de lucidité durant toute la rencontre, Bernard Inom avait le regard vide et semblait perdu. Dans quel état physique et moral l’avez-vous retrouvé dans le vestiaire ?

Il ne comprenait pas. Il me disait : “ Pierre, qu’est-ce qui se passe ? Ça veut dire quoi ? “. Il me demandait de trouver les raisons de ce nul. Je lui ai répondu qu’il n’entrait pas dans les critères des promoteurs. Je l’ai encore vu il y a une demi-heure (hier). Il est bien physiquement. Cela fait trois jours qu’il ne dort pas. Mais il n’est pas fatigué. Il a envie de repartir. Dans sa tête, il est champion d’Europe, mais sans ceinture.

Vous aviez dû remotiver votre boxeur afin qu’il poursuive sa carrière après sa défaite contre Narvaez. On attendait une autre possibilité de défier l’Argentin or sans ceinture pas de combat possible. Quel est l’avenir de Bernard Inom ?

Il va se reposer puis reprendre le boulot pour à nouveau, dans six à huit mois, reconquérir ce titre de champion d’Europe. Tous les avis ont été unanimes après ce combat. L’Equipe estimait qu’il ne méritait pas ça. Même la Gazetta dello sporte, qui est le plus grand quotidien sportif italien, a jugé le partage des points avantageux pour Sarritzu. Bernard était le plus fort, c’est tout. Je ne comprends pas qu’on brise la carrière et la vie d’un homme. Des années de travail sont parties en fumée. Il y a du nettoyage à faire dans la boxe “.

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