Six mois après
le meurtre du Préfet Erignac, malgré les effets d’annonce policiers
et judiciaires, l’enquête n’aboutit pas. Elle permet par contre une
répression tous azimuts sans précédent, touchant l’ensemble de la
société corse, menée à partir de fuites orchestrées par la police et
la justice, et abondamment reprises par les médias. Des coupables
potentiels préfabriqués sont jetés en pâture à l’opinion publique,
et incarcérés. Au passage on embastille quelques personnalités
appartenant « par hasard » à l’opposition.
Le fait
majeur de toute cette agitation est la mise sous tutelle de la
principale Banque de l’île, ce qui déterminera très vite le blocage
de ce qui reste de vie économique « indigène ». Les
malversations en matière de financement agricole, permis depuis plus
de 20 ans par le ministère de l’agriculture en sont le prétexte.
Tout se passe
comme si on avait décidé de faire en sorte que les Corses soient
forcés de brader leur patrimoine foncier et immobilier. Ce qui
arrive aujourd’hui s’inscrit dans la suite de la volonté de l’état,
exprimée par le schéma d’aménagement DATAR 1972, d’imposer aux
corses un développement basé sur le potentiel touristique, sans
considération des intérêts de l’île, au profit d’intérêts
extérieurs : banques, tour-operators, BTP, transports, grande
distribution…pour l’essentiel.
Ce plan a été
retardé par la montée de la contestation qu’il a provoqué. Il n’a
été ni abandonné, ni même modifié, malgré les déclarations de tous
les gouvernants depuis 1975. De 1975 à 1980, la seule réponse de
l’état fut la répression policière directe, justifiée par toutes
sortes de provocations. On ira jusqu’à la mise en œuvre d’une police
parallèle (FRANCIA) dont les responsables connus sont impunis à ce
jour. La France n’est pas l’Espagne. Cette période a vu également se
développer la structure « clandestine » du FLNC, vite suivie
des premières arrestations des militants les plus déterminés ou les
plus naïfs. Ce moment aura son terme avec les affaires de Bastelica
et de l’Hôtel Fesch, en janvier 1980. La répression débouche sur un
échec politique.
En mai 1981
le pouvoir change de main, en France, et la police de tactique, en
Corse. Le tout-repression élémentaire, la manipulation directe sont
relativisées au profit d’une action psychologique de guerre, dès
lors que le statut de 1982 s’avère insuffisant et les interlocuteurs
du pouvoir dépassés.
Les principes
de l’action psychologique sont connus : utiliser la rumeur,
l’intoxication, l’infiltration, la manipulation, semer la discorde,
circonvenir, retourner ou acheter l’encadrement adverse, abouti à
une démoralisation générale chez l’ennemi en suscitant au besoin une
« 5ème colonne ». Cette politique, précédant la
phase actuelle fut appliquée sans interruption de 1981 à 1997. C’est
là qu’il faut chercher l’origine des crises et des scissions qui ont
affecté le mouvement national, se terminant par les meurtres
fratricides des années 1995-96.
Cette
politique multi-millénaire a pu se développer grâce à l’ignorance du
plus grand nombre et à ses certitudes, avec la complicité active ou
passive de la majorité des appareils des organisations
nationalistes. Elle a empêché jusqu’à ce jour, la structuration
réelle du mouvement national corse. En y regardant de plus près, on
discerne d’ailleurs des traces de noyautage dès la constitution des
premiers groupes clandestins, et ce, avant 1975.
Nous vivons
aujourd’hui la suite logique d’une longue période de pourrissement.
La répression directe se déchaîne à nouveau, sous prétexte de « rétablir
l’état de
droit ».
S’il existe en Corse une situation de Non-Droit, elle a été voulue
par tous les gouvernements français depuis la conquête, qui est
elle-même un fait de Non-Droit. Après avoir écrasé la Nation Corse,
il s’agit aujourd’hui de la dépouiller de son seul bien, sa terre.
Les peaux-rouges d’Amérique ont eu le même sort. Mis à part le
comportement assimilateur de nos occupants, nous aurons, si le
projet aboutit, nous aussi nos « réserves ».
Malgré les
bonnes intentions affichées à l’égard de la Corse, les faits le
disent, ils sont têtus. Personne n’y échappera, pas même ceux qui
tirent encore leur épingle du jeu pour l’instant. L’actuel 1er
Ministre multiplie les incantations sur l’état de droit, et sur sa
volonté de donner à la Corse toutes ses chances de développement
économique, culturel, linguistique. Comment peut-il espérer aboutir
sans modifier le cadre constitutionnel qui a généré la situation
actuelle ? Comment fera-t-il disparaître le triangle infernal
constitué par la classe politique, l’administration et la banque,
et leur interaction « à la française ». La Constitution
française n’est aujourd’hui rien d’autre que la couverture
d’intérêts particuliers antinomiques de l’intérêt collectif corse.
Maintenir la Corse dans ce cadre, c’est tuer son Peuple.
Le problème
est une fois de plus posé au gouvernement français. Il est également
posé aux corses, et en particulier à tous ceux qui se réclament de
la Nation Corse. Ils sont aujourd’hui dispersés, divisés. Ils n’ont
pas disparu, pas plus que les raisons de leur engagement. Ils
doivent se rassembler, pour faire échec à un pouvoir qui s’appuie
sur une « majorité » générée par le non-developpement, la
fraude électorale et la colonisation de peuplement. Pour obtenir une
solution négociée, le mouvement national doit créer une
coordination, installer démocratiquement ses instances
représentatives sur une base de pluralité rassemblée sur des
principes et des objectifs.
Il faut pour
cela surmonter les effets de l’action policière d’une part, et les
effets de nos propres carences d’autre part. Sauf à vouloir
privilégier des intérêts particuliers ou extérieurs, l’heure est
pour nous celle des choix clairs.
Il faut
résoudre dans l’intérêt national, et rapidement, tous les problèmes
internes au mouvement national. Rien ne peut s’opposer valablement à
la mise en place d’une coordination de concertation et d’action. Les
velléités d’hégémonie sont irréalistes et stériles. Elles doivent
être abandonnées dans les faits.
La
clandestinité a porté l’essentiel des problèmes du mouvement. Elle
doit se remettre en question, et cesser de confondre la fin et les
moyens. Son existence ne doit pas pour autant servir de prétexte à
l’immobilisme. Elle doit être dépassée dans le souci de l’intérêt
commun, s’il existe, et en tous cas pour ceux qui y croient.
La Corse est
une Nation vaincue par les armes, devenue française sans qu’aucun
Traité ne l’ait juridiquement établi. Cette réalité historique doit
servir de base à l’action commune. Elle doit être soumise à
l’appréciation des instances internationales compétentes. Celles-ci,
interpellées par une action populaire adéquate, refusant les
provocations, isolant les provocateurs, obtiendront de l’état
français ce que les nationalistes n’ont pas encore obtenu, après
plus de vingt ans d’une lutte inégale. C’est le moment. Ne le
laissons pas passer.
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Unità Naziunale, Archives du site.
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