Les esprits
avertis du problème corse ne peuvent que partager votre avis. Le
choc produit par l’assassinat du Prefet Erignac vient après beaucoup
d’autres chocs ces vingt dernières années, et dans le choc permanent
de la domination exercée par les peuples de la mer sur la Corse
depuis des millénaires.
Un
meurtre, fut-il celui d’un Prefet, n’est jamais en Corse qu’un
meurtre de plus, dans une île qui en connaît en moyenne une
cinquantaine par an depuis des décennies. Et, lorsque impuissant
devant cette situation, on impose à l’île comme en ce moment, une
sorte d’état de siège, on s’éloigne un peu plus d’un mode de
fonctionnement républicain, en croyant le rétablir.
Les opérations
médiatico-psychologiques n’y pourront rien. Le temps qui passe fait
dire sur la Corse des choses toujours aussi fausses, et quelquefois
des choses de plus en plus justes. Ainsi chez vous, la référence à
David contre Goliath donne une idée à peu près exacte du rapport des
forces en présence. Cette notion est en permanence absente du
paysage. L’y introduire, dans toutes ses dimensions, c’est établir
une fois pour toute, les écrasantes responsabilités de l’état
français dans ses versions royales, impériales et républicaines.
Michel Rocard, devant l’assemblée Nationale française avait tracé,
il y a quelques années un historique assez juste de l’installation
de la France en Corse.
Dans
un autre pays, dans d’autres conditions démographiques, cette
déclaration aurait sans doute déclenché des émeutes, une Révolution.
En Corse, elle venait dans un contexte révolutionnaire, installé
dans sa forme moderne depuis plus de vingt ans, mais que le rapport
des forces en présence empêche d’aboutir. Que l’on fasse le rapport
des populations île/hexagone, que l’on inscrive dans ce rapport les
attentats, meurtres, emprisonnements, manifestations depuis 1973, et
l’on sera forcé de reconnaître là, une guerre civile.
Il
est de bon ton, aujourd’hui, de rejeter les responsabilités de la
situation sur les Corses, qu’ils soient nationalistes ou élus. Si
l’on s’en réfere aux historiens, la résistance populaire corse ne
s’est éteinte que soixante dix ans environ, après la défaite de
Ponte-Novu. Dans ce laps de temps, la République, l’Empire, la
Restauration écrasèrent la Corse de mesures d’exceptions. Loi
martiale, dragonnades, lois douanières écrasèrent les bases humaines
et économiques de la résistance
corse.
Dans ce contexte, les familles corses ont eu trois types de
comportement :
.Les unes ont résisté les armes à la main ; Elles ont
été exterminées ;
.Les autres, refusant la soumission ont choisi
l’exil ;
.Les troisièmes enfin, se sont soumises et sont à
l’origine de la population claniste d’aujourd’hui.
Quant aux nationalistes, baptisés terroristes, l’Histoire dira ce
qu’ils deviendront lorsque tous les « PAPON » auront été
jugés.
Alors, l’autonomie imposée, pourquoi pas ? A condition
que soient résolus les problèmes suivants :
1° L’application du
principe de spécialisation législative reconnu au peuple corse,
2° La recomposition du
corps électoral (droit du sol et droit du sang), et de la carte
politico-administrative (avec non-cumul des mandats, limitation des
mandats dans le temps, transfert de tous les moyens à l’assemblée de
Corse après dissolution des conseils généraux et assemblées
consulaires),
3° La redéfinition du
rôle de l’administration française et européenne,
4° Le développement
économique, ses axes et ses moyens financiers.
L’Assemblée territoriale qui naîtrait de ces institutions nouvelles,
dotées de moyens de justice et de police, devra être aidée et
appuyée par une entité issue de l’Union européenne, de nature à
prévenir :
.Les détériorations de
la gestion de la chose publique ;
.L’aggravation des
tensions claniques et des phénomènes maffieux.
Gageons que le peuple qui a su écrire sur son sol, la première
constitution
démocratique moderne
au XVIIIème siècle saura encore une fois « étonner le
monde », si ce n’est déjà fait, par ses capacités civiques.
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