Si après 30 ans de luttes, aucune solution n’est en
vue, cela ne tient pas de la fatalité.
Causes externes : La Corse appartient à un
ensemble appelé France qui est aujourd’hui plus une
conjonction d’intérêts financiers mis à mal par la concurrence
internationale, qu’un état au sens propre du terme, capable de
veiller aux intérêts de sa population. Dans cet ensemble, la Corse
est soumise à toutes les convoitises, à tous les groupes de pression
issus de régions ou de groupes dont l’intérêt est le maintien du
statu quo de dépendance totale. Cette situation, générée en
entretenue par la légalité française est le terreau des
troubles graves que l’île connaît depuis 1975.
Causes internes : La relative jeunesse du
mouvement contestataire et le poids de l’idéologie dominante
ralentissait considérablement la marche des forces de progrès. Trop
souvent, du côté des clanistes comme du côté des nationalistes, les
choix majoritaires révèlent d’une échelle de valeurs de la petite
bourgeoisie, qui nulle part dans le monde et à aucun moment n’a
porté le progrès.
Les
raisonnements, les comportements, les valeurs de référence sont pour
l’heure trop calqués sur ceux du système dominant pour que nous
puissions imaginer une issue à court terme. Ainsi, pour le moment et
pour la majorité, aucune solution ne peut être imaginée hors du
système politique générateur de cette situation, qui n’obéit pas à
l’erreur ou au hasard, mais à des intérêts bien précis dominant le
secteur privé, importé et importateur, autant que la
fonction publique pléthorique installée à dessein.
Aussi, depuis 1981 les responsables reconnus et élus
du mouvement national se sont épuisés dans la recherche d’une
solution dans le cadre des différents statuts octroyés, plus utiles
à la France qu’à la Corse, largement bâtis sur des mesures d’ordre
psychologique (statut territorial, assemblée de Corse, commission
européenne) n’entamant aucune des causes profondes de l’état de
la Corse. Les mesures prises à la hâte, à la suite du meurtre du
Préfet Erignac par l’actuel gouvernement, malgré une situation
exceptionnelle, le ton et les assurances tout aussi exceptionnelles,
n’ont pas dérogé à la règle.
Vouloir continuer à cultiver l’illusion d’une solution dans le cadre
de la constitution
française est une erreur, d’ailleurs inexorablement sanctionnée par
le temps. Cette orientation est d’ailleurs régulièrement saluée
comme « responsable » par les différents ministres de la
police.
Depuis quelques temps, l’assemblée territoriale est désignée comme
le lieu des avancées possibles. Faudra-t-il
vingt ans pour analyser sa composition, les profils de carrière des
différents élus, les intérêts qu’ils représentent, pour comprendre
que cette option est, elle aussi, une illusion ?
Autre facteur inhibant, le poids de la clandestinité armée
institutionnalisée. Cette arme, parce qu’elle est certainement la
plus efficace, a fait l’objet de toutes les attentions de l’appareil
militaire et policier qu’est aussi l’état français. Si les militants
les plus anciens et les plus motivés s’en sont éloignés, laissant la
place à de curieux « militants », point de hasard. L’action
des services spécialisés, civils et militaires, dont le travail ne
fait jamais l’objet d’aucune enquête parlementaire, et dont
l’existence n’est même pas mentionnée dans l’organigramme public des
services de l’état, a fait des structures clandestines, dès leur
naissance, ce qu’elles sont.
Sur
toutes les mythologies préexistantes dans le conscient et
l’inconscient corse, on a fini par faire de ce qui n’était qu’un
moyen, une fin en soi. Le moment où le clandestin a remplacé la
Corse ou la tête de maure dans l’imagerie nationaliste, permet de
dater le point d’apogée de cette politique, suivie de près par les
premières remises en question profondes autant que mal formulées, et
débouchant sur les scissions et les drames qui suivirent. Dans ce
contexte, constater que des militants nationalistes issus des
classes populaires en sont rendus à se faire la garde prétorienne
des banques et des groupes de distribution n’est pas sans
signification.
Le
meurtre du Préfet Erignac est l’acte volontaire et conscient de
militants désireux de sanctionner les menées criminelles relevant de
la forfaiture de l’état français, tant au plan administratif que
politique et policier.
Aussi, il semble à peu près certain que deux des éléments du
triptyque LLN : Lutte institutionnelle
et Lutte armée aient
atteint dans leur forme actuelle, leurs limites. Tout simplement
parce que la « lutte institutionnelle » se résume aujourd’hui
à se mouler dans les institutions, et que la « lutte armée »
est devenue une fin en soi, à usage très particulier de fonds de
commerce.
Reste le 3ème élément, la « lutte
de masse ». A ce
niveau, il n’a jamais été possible, dans la division, de faire mieux
qu’Unita Naziunalista. Seul le STC a réellement survécu aux choix
imposés par la direction politico-militaire de 1987/88, déterminés
eux-mêmes par les « négociateurs » envoyés par le
gouvernement Balladur. Peu importe l’identité des ministres de
l’intérieur. Tout se passe sur fonds de cohabitation et sous la
houlette de l’occupant de l’Elysée, et jusqu’à la fin de ses 2
septennats.
Etant pour le moment un mouvement réactionnel, et quelque fois
réactionnaire, le Mouvement National Corse n’a pas tiré toutes les
leçons de ce passé récent. Après les chocs produits dans l’opinion
corse, successivement par le meurtre du Préfet Erignac et par les « exploits »
attribués au Préfet Bonnet, une nouvelle période s’ouvre. Au-delà
des discours, tour à tour comminatoire ou lénifiant, prononcés par
les tenants du pouvoir parisien, la société civile n’en finit pas de
constater l’étendue de ses maux :
-
naufrage
économique, essentiellement dû à
l’inadaptation des schémas d’orientations, de la
constitution
française, de la fiscalité ; ou à l’attitude des banques, au
gaspillage du peu d’argent public réellement disponible ; et dans
une moindre mesure, à l’insuffisance des moyens de formation, plus
en qualité qu’en quantité d’ailleurs.
-
Chômage,
dû non pas aux causes générales du chômage en France, mais aux choix
délibérés de ne pas développer les ressources de l’île au profit de
lobby des importateurs et producteurs étrangers à l’île, abrités
derrière leurs fonctions sociales d’employeurs. Ainsi pour quelques
centaines d’emplois peu ou mal rémunérés, nous entretenons une
dépendance totale, et nous oblitérons la création possible de
dizaines de milliers d’emplois.
-
Violence
endémique, directement liée aux deux
précédents facteurs, et aggravée jusqu’à aujourd’hui par une gestion
delibérement « circonspecte » de ce phénomène par la justice
et la police.
Le tableau de cet ensemble est peu réjouissant, se
pose de nouveau la question rituelle : CHI
FA !
1° La Prise de conscience :
Il
faut réaliser enfin que les conditions politiques du changement sont
atteintes. Les nombres additionnés des voix nationalistes et de
celles, non exprimées, des abstentionnistes, ont atteint le seuil
nécessaire, puisque le cumul dépasse largement les 35% fatidiques
nécessaires à un basculement de pouvoir.
Pour
le moment, les nationalistes, n’ayant pu organiser leurs
différences, ne peuvent pas négocier valablement avec leurs alliés
potentiels. Bien souvent, les discours globalisants ont d’ailleurs
empêché l’identification de ceux-ci.
Divisés et quelquefois antagonistes, ils ne seront les
interlocuteurs valables de personne, ils n’iront pas au-delà de
leurs capacités actuelles de mobilisation, somme toute
insuffisantes.
La
société corse est un forum où l’essentiel apparaît aux yeux de tous,
dans un pays où le mensonge est boiteux. Tant que leurs pratiques en
matière de Solidarité et de Transparence ne seront pas reconnues
meilleurs par un nombre significatif de gens, les nationalistes
continueront à jouer en Corse, le rôle que joue J.M Le Pen en
France, gérer une fraction de mécontents, et servir de faire valoir
aux tenants du pouvoir.
2° L’organisation des moyens matériels et
humains :
-
sortir
des schémas jacobins ;
-
admettre
les différences ;
-
désigner
les responsables pour leurs capacités, même s’ils ne sont pas
candidats ;
-
Privilégier
les structurations légères, souples et mobiles, soumises à mandats
courts, avec obligation de résultat.
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