Il
y a 20 ans, jour pour jour,
quasiment, en Pays basque, la
nuit la plus courte de l’année
fut aussi certainement parmi les
plus tragiques de l’histoire de
ce peuple, mon peuple qui
s’acharne à vouloir vivre. A
vouloir vivre et aimer.
Marie-France Héguy est morte
cette nuit-là. Cette nuit où,
pour une fois, la lumière aurait
dû l’emporter, Maddi .cette
jeune femme de 26 ans dont il
faudra bien un jour inscrire au
panthéon de notre mémoire
collective l’exemplarité du
destin, j’aurais tant voulu
savoir témoigner, raconter son
histoire si belle et si courte.
Pour en faire un poème éternel,
une ode à la lutte pour la
dignité…
Vingt ans après, tout reste à écrire, ou quasiment…
Il y a 19 ans, à la Une d’Ekaitza, ce même premier jour de l’été, un plébéien que j’ai aujourd’hui toutes les peines du monde à recon- naître, publiait une élégie militante en forme d’hommage. Reprendre ici ce texte qui, je l’espère, n’a pas vieilli, décuple aujourd’hui mon émotion…
Uda-k hazia altxatzen
(l'été lève la semence)
C’est le premier jour de l’été. Tous les ans reviendra cette belle saison. Depuis la nuit des temps, depuis qu’un soleil s’est levé pour que les femmes et les hommes de cette terre vivent debout, depuis un toujours renaissant, une flamme d’espoir brûle dans nos cœurs.
En prison, c’était ton leitmotiv : Gora Bihotzak ! (Vive les Coeurs !) Ainsi, chaque fois tu signais tes lettres. Aujourd’hui, tu ne nous écris plus. Et pourtant cela fait maintenant une année que ta paraphe souligne nos actes. La haine, c’était ton ennemie. Et pourtant, jamais nous ne pardonnerons à ceux qui t’ont fait mourir.
Ta vie, ton engagement militant, nos luttes et tes câlins parfois… tout ça fleurait l’amour, l’amitié et ces choses qui embaument là où il nous faut aussi souffrir. Loin du charisme, souffle ce vent que la dialectique militante, empruntée à la poésie, intitulé «liberté».
Des mots pour réciter notre souvenir
voilà ce que tu ne veux pas. Notre
lutte, ce combat pour la vie, tu le
conjuguais au présent... Nous
continuerons.
Maddi, excuse-nous car de toi nous voudrions faire tout un symbole. Un message pour les générations futures, un creuset.
Tu n’es pas la première à avoir donné ta vie pour une Euskadi libre… et malheureusement pas la dernière. Le sang qui coule dans nos veines versera encore. La conscience du sacrifice obligé nous impose, à ton instar, de vivre intensément.
C’est le premier jour de l’été et il fait beau sur notre pays. Juste une toute petite brise suffit à réveiller notre somnolence. Un sifflement à nos oreilles. L’air d’une chanson qui te célèbre, Maddi, et crie en milliers de voix cet espoir démesuré, cette utopie d’une belle saison pour les Basques.
Gora Euskadi Askatuta !
(Vive le Pays basque Libre !)