Le
19 septembre 2007 :
Unità Naziunale,
www.unita-naziunale.org.
(Corse - Lutte de Masse) Le mensuel U Ribombu a interviewé
Jean Marc Rodriguez sur le cas de Dominique Pasqualaggi.
1)
Jean-Marc Rodriguez, vous êtes un des amis de Dumè Pasqualaggi, et
l'un des principaux animateurs de son comité de soutien. Première
question, quel est son état de santé actuel ?
Les dernières nouvelles de la santé de Dumè sont assez
alarmantes ; son état nécessite des soins constants et adaptés que
l'administration pénitentiaire ne peut lui prodiguer faute de
personnel et de matériel. La rééducation programmée à l'hôpital de
la Pitié Salpêtrière, destinée à le préparer aux opérations lourdes
qu'il doit subir, n'est pas assurée. Au contraire, les conditions de
confinement dans une cellule « médicalisée », dans laquelle il n'a
pas accès à la seule ampoule qui l'éclaire, contribuent à détériorer
son état physique et moral. A ses nombreuses blessures viennent
s'ajouter une fracture non réduite, des suppurations et des
escarres mal soignées. Il n'a de cesse de répéter : « ils m'ont mis
ici pour me laisser mourir ».
2)
Au cours de la manifestation du 29 juillet dernier à Corti, vous
avez déclaré qu'il ne fallait pas que Dumè devienne "un Bobby Sands
corse". Qu'entendez vous par là? Ses conditions d'hospitalisation à
Fresnes le mettent-il en danger?
Bobby
Sands, membre de l’IRA, emprisonné dans les geôles anglaises, avait
entamé, le 1er mars 1981, une grève de la faim pour
protester contre le sort réservé aux républicains irlandais ; ces
derniers réclamaient le statut de prisonniers politiques. Madame
Margareth Thatcher était resté muette à ces requêtes ainsi qu’à
celles de nombreux organismes humanitaires internationaux et Bobby
Sands est décédé après 66 jours de grève de la faim, premier martyr
des dix républicains qui connurent le même sort. L’absence
d’humanité du 1er ministre anglais surnommée « la dame de
fer » a précipité la mort d’un homme qui luttait pour la liberté de
son peuple.
Je crains que l’intransigeance du gouvernement actuel qui ne réagit
pas à nos sollicitations répétées ait les mêmes effets : si Dumè
n’est pas transféré dans les plus brefs délais dans un hôpital digne
de ce nom, je crains effectivement que sa vie soit en danger. Les
trois ministres qui peuvent intervenir dans ce dossier douloureux
sont trois femmes : Madame Alliot-Marie, ministre de l’intérieur,
Madame Dati, ministre de la Justice et Madame Bachelot, Ministre de
la santé. Comme je l’ai dit dans mon intervention, selon leurs
prises de décision, nous verrons si le Président de la République
française, concernant la Corse, a placé dans son jeu des dames de
cœur ou des dames de fer.
3)
Quelles sont les responsabilités de l'Etat français dans cette
affaire, et notamment de la part de la SDAT et de la 14e section?
Les
véritables responsabilités peuvent être établies par un organisme de
contrôle indépendant qui mènerait une véritable enquête, non
seulement sur les conditions réelles de la défenestration mais
également sur les évènements qui ont précédé et suivi ce terrible
drame. L’enquête diligentée par le Ministère de l’intérieur et
effectuée par l’Inspection Générale de la Police Nationale s’oriente
apparemment vers la version officielle de la tentative d’évasion.
Pour ma part, après les confidences que m’avait faites Dumè, au
cours des parloirs, je continue à croire que les pratiques de la
SDAT et de la 14ème section, c'est-à-dire les tortures
psychologiques infligées à Dumè sont la cause essentielle de la
défenestration. Ces pratiques sont connues des différents ministères
de tutelle, je persiste à dire que c’est tout l’appareil d’état
français qui est responsable et, cela,
en plus haut lieu. Les juridictions d’exception sont la négation
même d’un état démocratique.
L état français est responsable de l’absence de sécurité des
détenus, de l’absence d’éthique des établissements hospitaliers et
des errements de l’administration pénitentiaire qui va à l’encontre
des décisions du juge d’application des peines. Ce dernier avait
accordé des visites quotidiennes à la famille de Dumè.
4)
Il se murmure que le juge Thiel est sensible au sort de
Dumè....info ou intox?
Monsieur
Gilbert Thiel, mis en cause par le biais de mes conférences de
presse, à cause des propos inadmissibles qu’il tenait durant les
interrogatoires de Dumè Pasqualaggi a trouvé ce moyen pour se
dédouaner quelque peu vis-à-vis de l’opinion publique; nous savons
que la presse française hermétique à nos revendications laisse, par
contre, ses colonnes largement ouvertes à ce genre de fonctionnaire
de la raison d’état : l’article paru dans « Le Monde » est un écran
de fumée destiné à masquer les responsabilités des services du Juge
Thiel.
5)
Dès la création du comité de soutien, la LDH a soutenu votre
initiative. Avez vous également sensibilisé d'autres organismes de
défense des droits de l'homme au plan européen?
Je
tiens à remercier ici, l’action d’André Pacou et de la LDH : leurs
communiqués et leur présence parmi les nombreux manifestants du 29
juillet ont contribué à faire mieux connaître le côté inhumain de la
situation de Dumè. La réussite de ce rassemblement de soutien a
apporté du baume au cœur de Dumè et sa famille qui tiennent à
remercier chaleureusement chaque participant.
Evidemment si ce traitement barbare devait perdurer, nous
envisageons de contacter d’autres organismes au niveau
international. La France a été souvent mise au ban de l’Europe sur
ce plan-là, cela n’a en rien modifié son comportement ; sur le plan
judiciaire, malheureusement, nous ne pouvons intervenir à ce niveau
qu’après avoir épuisé les recours de la justice française. Nous
savons que même le rapport européen de Monsieur Gil Roblès au sujet
des prisons françaises n’a pas fait évoluer les conditions
d’enfermement des prisonniers…A contrario, l’absence d’amnistie, en
connaissant les problèmes de surpopulation carcérale, ne fait
qu’ajouter à la pénibilité des conditions de détention de chaque
détenu.
6)
Peut-on envisager réellement une libération prochaine de Dumè?
La
famille et le comité de soutien de Dumè l’espèrent vivement. Madame
Rachida Dati a fait récemment adopter une loi qui crée un poste de
Contrôleur Général des prisons. En cela, elle ne fait que se
conformer aux directives européennes que la France a toujours refusé
d’appliquer. Mais nous voulons croire que c’est un signe fort de
rupture avec des pratiques contraires aux droits de l’homme ; même
si je reste sceptique quant aux prérogatives réelles que peut avoir
un homme mis en place par le pouvoir.
La suspension de la détention de Dumè conformément à la loi Kouchner
serait un geste concret de la volonté de paix de l’état français qui
appliquerait enfin ses propres lois. L’obtention du statut de
prisonniers politiques et le rapprochement de tous les détenus
corses, en faisant rentrer en priorité ceux qui ont été condamnés à
perpétuité et ceux qui purgent de longues peines, entrent dans ce
cadre-là. Aucune solution politique durable du problème corse ne
peut être envisagée sans la prise en compte de ces hommes qui ont
sacrifié leur liberté pour celle de leur nation.
Source photo :
U Ribombu, Unità Naziunale, Archives du site.
Source info :
U Ribombu,Unità Naziunale
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