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ROBERT SOZZI, 15 JUIN 1993
"il est désormais acquis pour
le peuple, que les autres morts et toi Robert, vous faites à jamais
partie de l'histoire de Corse." Laetitia Sozzi, Juin 99"
Jeudi
15 juin 2006 : 13 ans que Robert Sozzi a été assassiné dans ce que
l'on peut appeler les prémices de la guerre fratricide. Il n'est pas
question ici de lancer une polémique mais de rendre hommage à ce
corse comme à tous ceux qui ont payé le sacrifice de leur vie dans
une guerre honteuse et au combien inutile.
Comment on en est arrivé là ?
L'année 93,
Annus horribilis ? Non...
Il est impossible de résumer le contexte de l'époque
en quelque mot, et encore moins en une page virtuelle. Des premières
scission en 89, en passant par la catastrophe de Furiani en 92, le
mouvement national a connu des moments difficiles et des tensions
allant toujours plus crescendo.
1989 et 1990, ce sont les scissions au sein du FLNC
unique et de la structure A Cuncolta Naziunalista qui donneront
naissance au FLNC Canal Habituel et du MPA (90)
(Petru Albertini, Jean Pierre Leca et Luc Belloni, Antoine et
Frederic Giacomoni, Paul Carlotti assassinés en 95...), du
FLNC Canal Historique(90) et d'A Cuncolta Naziunalista(87) (Stefanu
Gallo, Nicolas Bachelli, Vincent Dolcerocca, Natale Sargentini, Jean
Pierre Duriani assassinés en 95, Petrucciu Lorenzi, Jules Massa en
96...), de l'ANC (89) (Pierre Poggioli tentative
d'assassinat en 1994, Charly Andreani assassiné en 96...) et de
Resistenza. Très vite les divergences politiques de surface
laisseront la place aux divergences personnelles et privées qui
engendreront plus d'une trentaine de mort, une catastrophe pour la
Corse et le mouvement national, dont aujourd'hui nous ne sommes
toujours pas remis.
Alors qu'en 1992, Corsica Nazione (A Cuncolta
Naziunalista, Per u Paese, I Verdi Corsi, ANC, UPC) d'un coté et le
MPA de l'autre réalisent 25% des voix lors des élections
territoriales, le mouvement est incapable de rebondir sur cette
victoire politique tant les tensions et les scissions sont au grand
jour.
Quand l'irréparable est commis, dans une société
toujours prompt à l'"usu Corsu", qu'à la réflexion, l'engrenage est
vite lancé et impossible de le stopper. Rien n'a pu y faire,
personne n'a pu arrêter ce que des groupes opposés voulaient. Peu
importe les raisons, puisque la finalité est la même, la mort de
jeunes corses dans une guerre fratricide.
Robert Sozzi est assassiné le 15 juin 1993, alors
qu'il était employé de Bastia Securità, membre d'A Cuncolta
Naziunalista et du FLNC canal Historique. Plusieurs hommes tirent à
la chevrotine, sur sa voiture alors qu'il se rendait dans les locaux
de Bastia Securità. Cet assassinat provoque un choc en Corse, et
dans la région ou Robert Sozzi était connu et reconnu pour sa
gentillesse et sa sincérité. Selon les
explications, Robert Sozzi,
aurait accusé le club du SCB d'avoir été peu regardant avec la
sécurité lors de la catastrophe de Furiani, il se serait donc mis à
dénoncer les connivences de certains responsables du secteur
Bastiais du FLNC canal Historique. Les rumeurs lui aurait reproché
les attentats contre Jean François Filippi et la volonté affirmé de
s'en prendre physiquement à des dirigeants du bloc Cuncolta-FLNC,
trois en l'occurrence.
Très vite, un tract anonyme accuse le FLNC canal
Historique d'être l'auteur de l'assassinat. Un comité "Robert Sozzi"
se forme et propose une pétition à la signature, ce comité est
constitué de la famille, d'amis de la victime et d'opposants
politiques ou de dissidents à A Cuncolta Naziunalista.
C'est
alors qu'interviennent les journées de Corti en Aout 1993, et c'est
précisément le 8 aout que le FLNC canal Historique qui intervient
sous le chapiteau des Ghjurnate, revendique l'assassinat de trois
personnes dont Robert Sozzi. L'explication est annoncée en direct
devant des militants et sympathisants, et devant la présence de
média locaux et nationaux. L'interprétation première de l'événement
sera interprétée comme un message de défi lancé aux autorité alors
que le message s'adresse en priorité à l'autre camps nationaliste.
Le 12 Aout, Edmond Simeoni, élu Corsica Nazione à
l'Assemblée de Corse, condamne l'assassinat de Robert Sozzi.
Pendant toute cette période de l'année 1993, la
tension est palpable, et les actes violents entre nationaliste sont
nombreux, il est bien évident que des apprentis sorciers auront eu
l'occasion de mettre la puzza en provoquant des attentats ou des
actions violentes pour aggraver la situation entre les nationalistes
mais la plupart des actions sont à mettre au passif du mouvement
national. Notamment le saccage du restaurant de Charles Andreani
(qui sera assassiné en 1996) et de Tony Spella, tout deux militants
de l'ANC, qui accusera une fraction rivale, puis l'arrivée sur
l'échiquier politique clandestin du FARC, qui jettera un peu plus de
trouble dans les actions clandestines. Le MPA dénoncera en février
93, la destruction d'un lotissement de Lumio que le FLNC canal
historique avait détruit en décembre de l'année précédente.
Il faut se rappeler que lors de son procès à Paris,
Jean Michel Rossi (assassiné en 2000) avait publiquement dénoncé les
dérives affairistes du MPA-FLNC canal habituel, ce qui lui avait
valu une interdiction de retour en corse sous peine d'être exécuté
par le FLNC canal habituel. Cette affaire sera terminée
officiellement pour le FLNC habituel en avril 93 lors d'une
conférence de presse qui réunira un peu plus de 150 militants.
Après le départ de l'ANC de Corsica Nazione, pourtant
élu avec le groupe lors des élections territoriales de 1992, Max
Simeoni demande qu'ils rendent leur mandats. Ils seront exclus de
Corsica Nazione.
Pendant ce temps là, le terrain militaire est occupé
quasi quotidiennement, tous les groupes clandestins plastiquent
partout en Corse et quand ils le peuvent sur le territoire d'un
autre groupe et voir même, les biens d'un autre groupe. Le
cabinet de Vincent Stagnara est plastiqué en mai, François Alfonsi
le sera aussi dans le même mois. Les voitures du président du
Sporting sont détruites par un attentat. La Mairie de Furiani sera
plastiquée en plein jour en Mai. En juillet, le frère de Jacques
Marcellesi, militant ANC est victime d'un incendie criminel.
L'ANC et le MPA se rapproche et organise une
manifestation de soutien au frère de Marcellesi.
Les ambulances d'un proche de l'UPC sont détruites
par le feu.
La voiture de Jean Vitus Albertini, un des recherchés
de 87 est détruite, il est alors militant d'A Cuncolta Naziunalista.
La voiture d'Yves Manunta(tentative d'assassinat
contre Yves Manunta en 1996), militant ANC, est détruite sur
Aiacciu. Une biscuiterie d'un militant MPA est détruite. Resistenza
condamne l'assassinat de Sozzi.
Des mouvements clandestins éphémères arrivent aussi
vite qu'ils repartent comme Ghjustizia Corsa et le MNA.
Le prisunic de Jacques Fieschi, militant nationaliste
UPC est plastiqué pour la seconde fois.
En décembre, c'est Pierrot Bianconi, joueur
remarquable du SCB et militant nationaliste proche du MPA, qui
disparait corps et âme.
Une année 93 qui ne sera que la suite lamentable et
logique des années précédentes et qui annoncera par sa litanie
d'actions fratricides, la guerre entre nationaliste dès la fin de
l'année 94 avec l'assassinat de Jean François Filippi, puis de
Franck Muzzy.
Ces actions et évènements ne sont que le résumé
succins d'une année de violence fratricide.
Source photo Unità Naziunale
Source info
Unità Naziunale. Amnistia. Corse Matin. Le Point
© UNITA NAZIUNALE 1999 - 2006 |
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Déclaration de Laetitia Sozzi dans
le Corse Matin du 3 juin 1999
Le 3 Juin 1999 :
Il y a
bientôt 6 ans, mon mari était lâchement exécuté par le Canal
Historique. Et bien que n'étant pas armé, ses tueurs ne lui
laissèrent aucune chance. Faut-il rappeler que mon mari, comme cela
a été démontré par le comité Sozzi, était un homme intègre dont le
seul crime a été son idéalisme. Déjà à l'époque, le comité Sozzi
dénonça "l'exploitation médiatique et, encore plus ignoble,
l'exploitation politicienne du cadavre de Robert Sozzi; les
alliances présentes ou futures étant plus importantes pour les
appareils politiques".
En effet au bout de
six ans, la situation apparaît de plus en plus inquiétante. Des
événements récents ont donné lieu à des alliances "contre nature".
Les ennemis d'hier se retrouvent dans des manifestations communes et
discutent autour de la même table. Comment est-il possible que l'on
puisse être contre certains, quatre mois auparavant, et avec eux
ensuite en passant sur des cadavres. Certains prétexterons "une paix
essentielle et nécessaire". Pour cela sont-ils prêts à oublier
certaines phrases de la Cuncolta: "légitime défense préventive"...
"A situation exceptionnelle; mesure exceptionnelle!" En préférant
rejoindre ceux qui condamnent sans condamner la mort d'un préfet.
Alors que ces
derniers continuent à assumer la mort d'un de leurs; comment les
plus modérés se "prétendant démocratiques" peuvent-ils rejoindre
certains membres de la Cuncolta alors qu'ils ont pris à un moment
donné le meurtre de mon mari comme fer de lance de leur campagne,
car, étant un des rares assassinats revendiqué à ce jour.
Quand on voit,
aujourd'hui, les discours de certains comme M. Talamoni, qui devrait
faire preuve d'un peu de pudeur... N'oubliez pas que vous avez renié
l'un des vôtres et pire, vous avez cautionné son exécution, alors
que vous étiez un membre à part entière de l'exécutif de la
Cuncolta. Quant à la présomption d'innocence dont vous nous rabattez
sans cesse les oreilles, vous êtes bien mal placé pour en parler car
non seulement mon mari a été jugé par le Canal Historique, mais
aussi exécuté par lui. Cela allant bien plus loin que des peines de
prison.
Y a-t-il eu depuis
une condamnation publique de la mort de mon mari par ceux de votre
mouvement? Non!
Et le Canal
Historique, que vous soutenez, alors qu'il se disait le défenseur du
peuple corse (...) a assassiné mon mari, un enfant de ce peuple,
pour qu'il ne puisse pas exprimer ses opinions, entraînant ainsi
comme on le sait la Corse dans une spirale de violence.
Paradoxalement,
l'ennemi n'était alors plus en ces temps troublés l'Etat mais les
autres branches du nationalisme. Un Etat que vous avez pris plus
tard comme "partenaire". Vous ne manquez pas de culot en crachant
aujourd'hui dans la soupe en rejetant toute faute sur lui.
Nous ne sommes pas
dupes (...) Quand vous parlez d'"île de fous" ou plutôt de "l'île
des justes" où vous situez-vous? Parce que quand on a une telle idée
de la justice on peut se poser la question: que signifie le mot
"juste" pour vous? (...) La dérive fasciste de certains doit être
bien grande pour qu'aucune leçon n'ait été porté.
A quinze jours de
l'anniversaire de la mort de mon mari, bien que celui-ci ait
toujours été de gauche, il est malheureux que seuls les partis
politiques traditionnels socialiste ou communiste continuent à
dénoncer son assassinat, donnant ainsi une leçon à certains qui
feraient mieux de se remettre en question.
Laetitia Sozzi
Source photo :
Unità Naziunale, Archives du site.
Source info :
Unità Naziunale Amnistia. Corse Matin. Le Point
© UNITA NAZIUNALE 1999 - 2006 |
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LETTRE DE LAETITIA SOZZI : SIX ANS
APRES LE MEURTRE
Le 15 Juin 1999 :
Par
Laetitia Sozzi
Ton assassinat a été revendiqué
par le Canal Historique, aux Journées Internationales de Corte,
organisées par la Cuncolta. Ce jour-là, dans un moment d'hystérie
collective, leurs militants permettaient de matérialiser une
abomination.
Et si à un moment donné, car la
faiblesse est humaine, j'ai pu dans ma souffrance, croire entrevoir
une lueur d'espoir, et qu'un jour certaines personnes condamneraient
ta mort, je me suis bien trompée.
Maintenant je sais au regard de
toute cette folie meurtrière qui a suivi, que l'on ne peut plus leur
faire confiance. Et qu'en définitive, s'ils sont restés dans leur
mouvement, la seule responsabilité qu'ils ont prise c'est d'assumer
ces assassinats, en soutenant leur branche armée. Tant qu'ils
continueront à travestir l'histoire, il ne pourra y avoir de pardon.
Enfin, que pour ma part, depuis
toi Robert, jusqu'à Christophe Garelli, meurtre tout récent, il n'y
a pas de bons ni de mauvais morts. Il n'y a que des vies fauchées
dans la fleur de l'âge. Des familles traumatisées; Et surtout des
orphelins à qui on ne sait quoi répondre. Et tel est le vrai
problème, auquel je suis confrontée tous les jours.
J'ai toujours essayé de prendre
mes responsabilités, vis à vis de nos enfants et cela dans la mesure
de mes faibles moyens. J'ai été longtemps, aidée, à travers le
Comité Sozzi, qui a toujours privilégié le dialogue face à la loi
des armes, que leur mouvement a continue à cautionner. J'essaye
d'élever nos enfants dans la paix et non dans la haine de l'autre.
Et je n'ai jamais prétendu être une politique, mais simplement une
épouse et une mère de famille. C'est pourquoi j'ai signé ensuite le
manifeste pour "la vie".
En revenant à notre histoire, ces
gens doivent savoir, qu'il est désormais encore plus difficile pour
moi, de parler avec les gens qui ont cautionné ton exécution. Ne
peuvent-ils pas reconnaître leurs erreurs publiquement? Car c'est
eux qui ont ainsi placé pour la première fois, le bandeau sur la
bouche et les yeux du drapeau corse. Ils vont même jusqu'à dire que
tu t'es sacrifié, alors qu'on t'a simplement pris ta vie.
On ne peut pourtant rien baser sur
la lâcheté historique et l'irresponsabilité, surtout pas de paix.
Encore moins quand on se sert sans cesse de la souffrance d'autrui
comme élément de propagande; en rejetant sur l'autre toutes les
fautes et en le désignant comme l'instigateur d'hypothétiques
complots. Il faut qu'ils cessent de se retrancher derrière leurs
propres turpitudes, car après tout on ne parle bien que de ce que
l'on connaît bien.
J'ai 33 ans et il est malheureux
que j'aie déjà plus d'amis au cimetière que dans la réalité.
La lâcheté serait-elle devenue une
vertu en Corse?
Ont-ils seulement réalisé la portée de leur échec, vis-à-vis de tous
nos morts et de l'exemple qu'ils sont en train de transmettre à nos
enfants? Je n'ai pas l'impression.
Eux qui se posent en moralisateurs et en chefs de file de mouvements
politiques. Non, ils continuent à nier l'histoire.
Ils me parlent de paix, je la veux
moi aussi car je n'ai pas envie de perdre d'autres amis. Ils me
laissent entendre que je ressens de la haine. Ils n'ont rien
compris, ce n'est plus que de la colère face à certaines
déclarations, qui ne font que raviver ma douleur.
Mais au vu des diverses réactions
suscitées dernièrement par ma déclaration, bonnes ou mauvaises, il
est désormais acquis pour le peuple, que les autres morts et toi
Robert, vous faites à jamais partie de l'histoire de Corse.
Pour moi aussi la polémique est
close.
Laetitia Sozzi
Source photo :
Unità Naziunale, Archives du site.
Source info :
Unità Naziunale Amnistia. Corse Matin. Le Point
© UNITA NAZIUNALE 1999 - 2006 |
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Réponses de deux responsables
politiques.
Jean-Guy Talamoni écrivait le 6 juin 1999: "J'étais à cette
époque responsable de Corsica Nazione et militant de A
Cuncolta. On semble me reprocher d'être demeuré dans ces structures.
C'est vrai, j'ai fait partie de ceux qui sont restés. Ce qui n'était
pas la position la plus facile. Je ne le regrette aucunement. (...)
La meilleure façon de rendre hommage à nos morts est de poursuivre
la lutte nationale dont ils étaient tous partie prenante et pour
cela, d'achever l'œuvre de réconciliation..."
François Santoni déclarait à
"Libération" le 11/06/99: "Je suis désolé, je n'étais pas à la
tribune pour applaudir à la mort de Robert Sozzi, et pourtant
j'assume".
Source photo :
Unità Naziunale, Archives du site.
Source info :
Unità Naziunale, Amnistia. Corse Matin. Le Point
© UNITA NAZIUNALE 1999 - 2006 |
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