Le
19 février 2009 :
(13:00
Unità Naziunale,
www.unita-naziunale.org - Corse - Lutte de Masse)
En Guadeloupe, la lutte contre la vie chère fait
rage. Si la métropole écoute d’une oreille distraite les
mésaventures de ses concitoyens d’outre-mer, d’autres insulaires
regardent avec intérêt les derniers événements : Les Corses. Les «
béké », colonisateurs Blancs et les « pinzutti », continentaux et
étrangers, sont tous deux accusés de privatiser l’accès aux plages,
d’occuper les postes à responsabilité, et plus généralement
d’exploiter les travailleurs autochtones. Comme les Guadeloupéens,
les Corses souffrent du manque d’intérêt « Si on parle de nous,
c’est ou qu’il y a un attentat, ou que les grandes vacances
approchent ! » s’énerve Simon P., gérant d’un bar sur l’Ile de
Beauté. Et comme les Guadeloupéens, les Corses luttent pour
maintenir un pouvoir d’achat décent : Au classement du PIB par
région, la Corse est… 22ème sur 22 !
Dans le quartier des Cannes, à
Ajaccio, le seul et unique square a été transformé en décharge à
ciel ouvert et dans les rues alentours, le contenu des caves vidées
après les inondations de mai 2008 jonche encore les trottoirs. « Cet
exemple illustre parfaitement notre quotidien ; l’argent public est
utilisé pour les quartiers touristiques, pas pour nettoyer nos rues
» explique Stella O., infirmière, en désignant le Casino et les
immeubles flambants neufs du front de mer, destinés à la location
saisonnière haut de gamme. Le contraste est tout aussi saisissant en
Haute-Corse, où la place Saint Nicolas et le port de plaisance de
Bastia sont dignes des plus belles cartes postales, tandis que le
quartier populaire de Lupino, en périphérie, est laissé aux mains de
ses habitants. Leur dilemme : faire 25 minutes de marche à pieds
pour accéder à un supermarché ou se fournir dans l’unique commerce
de proximité où un simple paquet de pâtes avoisine les 2 Euros.
Les loyers, eux, n’ont rien à
envier aux prix parisiens : « Je paye 1000 Euros mensuels pour un
petit quatre pièces à rénover à Ajaccio. Je paye aussi les études de
mon fils aîné, à la fac de Nice, puisque celle de Corte n’enseigne
que le droit, et j’héberge ma grand-mère qui ne pouvait plus rester
toute seule au village, où même ‘’le pain’’ (la boulangerie
itinérante qui fait la tournée les hameaux) ne passe plus» raconte
Stella O. La solidarité entre les générations n’est pas un mythe en
Corse, et si, grâce à elle, peu de personnes âgées sont SDF ou
livrées à elles-mêmes, elles n’en sont pas moins démunies. La Corse
détient en effet les tristes records du plus fort taux de pauvreté
des plus de 65 ans (15%) mais aussi des moins de 17 ans (22%)
d’après l’INSEE.
Sur l’année dernière, le taux de
chômage a encore augmenté de 4%, d’après la DARES. Le site
Corse-Economie se montre ainsi très pessimiste, expliquant qu’un
dommage collatéral de la récession pourrait être le tassement du
nombre de touristes en été 2009, privant l’île de sa principale
source de revenus – problème qui concerne déjà la Guadeloupe : Hervé
Novelli, secrétaire d’Etat au tourisme, a estimé à 10 millions les
pertes dues aux voyages annulés.
« Traiter la Corse comme n’importe
quelle autre région serait une grave erreur. Nous avons notre propre
mode de consommation ! » explique Simon P. En effet, aux tables
Corses, on trouve plus volontiers du Corsica-Cola que du Coca light,
de la Pietra qu’une Heineken, de l’Orezza que du Perrier et de la
pulenda que de la purée. Et même si les femmes Corses sont friandes
de grandes marques, (on y trouve du Sonia Rykiel plus facilement que
du Leader Price) c’est souvent qu’elles sont achetées à crédit. Une
robe simple, à 25 Euros sur le continent, se vend à minima 50 à 70
Euros rue Fesch à Ajaccio ! Interrogée, la vendeuse se justifie : «
Oui c’est exactement la même robe, nous avons sûrement le même
fournisseur. Mais les frais de port explosent pour la Corse, c’est
avion ou bateau obligatoire ! » Pas évident pour les commerçants de
réaliser des bénéfices avec de telles charges, sans même parler des
charges officieuses.
Jusqu’à récemment, les habitants
de la Corse souffraient également de la non-concurrence :
«Impossible de se dire ‘’poussons encore quelques kilomètres en
voiture et allons en Belgique ou en Espagne faire nos courses ‘’, ou
d’aller dans des magasins d’usine ou de déstockage : Il n’y en a pas
ici ! Et aucun magasin hard discount à l’horizon… Les magasins en
profitaient pour tirer les prix vers le haut» explique Stella O.
C’est pourquoi 10 gérants d’hypermarchés et supermarchés Système U
de toute la Corse ont préféré changer d’enseigne et se tourner vers
Leclerc, réputé moins cher. Faire ses courses alimentaires et non
alimentaires aux mêmes prix que sur le continent, c’était une des
attentes principales des Corses, qui ont l’impression d’avoir « plus
de devoirs et moins de droits » que leurs concitoyens du continent !
Et des attentes légitimes, la
région qui a voté le plus massivement pour Nicolas Sarkozy aux
dernières élections présidentielles en a. A l’image de Simon P. qui,
s’il rencontrait le président, n’aurait qu’une seule chose à lui
dire : « Patti chjari amici cari » : les bons comptes font les bons
amis.
Marlène Schiappa
(source
article ici)
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Unità Naziunale, Archives du site.
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