Le
1er juillet 2009 :
(13:00
Unità Naziunale,
www.unita-naziunale.org - Corse - Lutte de Masse) Ayant
initié, avec d'autres, la lutte d'émancipation de la Corse depuis
près de cinq décennies, je reste une partisan convaincu d'un Statut
d'Autonomie Interne au sein de la République Française et de l'Union
Européenne. Ce combat se poursuit dans la légalité mais je ne peux
oublier que, historiquement, l'injustice a, en Corse, fait le lit de
la révolte. Défenseur engagé du respect des Droits de l'homme, je
m'intéresse à «l'Affaire Colonna» dans cette optique.
Le procès d'appel d'Yvan Colonna est un
fiasco judiciaire: des pièces décisives cachées à la défense, une
enquête policière bâclée et malhonnête, une instruction
scandaleusement à charge, le tout dessinant la volonté d'arriver à
tout prix à une condamnation décidée d'avance. L'exigence de justice
s'est donc muée, au fil des audiences, en esprit de vengeance. Ce
dossier aurait dû être l'honneur de la justice française. Il en
restera la honte, sinistre chef d'oeuvre de la justice
anti-terroriste, qui vaudra très probablement à l'Etat français une
nouvelle condamnation devant la Cour Européenne des droits de
l'homme ; comme le laisse augurer l'édifiant
rapport de la Fédération Internationale
des Droits de l'Homme (FIDH).
Ces débats d'appel faussés ne sont
en fait que l'ultime avatar d'une dérive structurelle entamée dès le
6 février 1998, soit dans les instants qui ont suivi l'assassinat du
Préfet Claude Erignac à Ajaccio. En effet, le fonctionnement de la
police et de la justice anti-terroristes, et plus globalement le
comportement d'ensemble de l'appareil d'Etat en suite de cet
assassinat ne pouvaient qu'aboutir à la faillite de la démocratie
judiciaire.
Rappelons qu'au lendemain de
l'assassinat du Préfet, la République et la Corse sont sous le choc.
Des dizaines de milliers de Corses descendent silencieusement dans
les rues, pour manifester leur émotion, mais aussi pour témoigner
collectivement de leur volonté de faire changer les choses. L'Etat
va alors se tromper sur la portée de ce message. Là où s'exprime une
attente démocratique, il voit un blanc-seing à une répression tous
azimuts. Les Corses, dans leur grande majorité, veulent alors mettre
un terme à l'ensemble d'un système qui génère la violence, et
notamment la violence clandestine. Cela passe par une remise à plat
des rapports entre la Corse et l'Etat, un nouveau contrat, une
démocratisation profonde de l'ensemble de la société insulaire. Mais
plutôt que d'ouvrir pareille perspective, Paris cherche uniquement à
marginaliser le mouvement nationaliste corse.
L'erreur politique est profonde.
Elle s'exprime aussi dans la brutalité de la réaction policière et
judiciaire à l'assassinat du Préfet: des centaines de personnes
raflées au petit matin, des dizaines d'incarcérations sans charges à
Paris, avec en arrière-plan, la même logique, répétée à l'envi par
la DNAT aux gardés à vue: «vous — les Corses — avez tué un Préfet :
nous vous mettrons tous en prison si nécessaire, mais nous
trouverons les auteurs...». Parallèlement, des coupables potentiels
sont désignés à l'opinions publique, et incarcérés: c'est le temps
de la fameuse piste «agricole».
Onze ans après, plusieurs dizaines
de personnes, brisées par des détentions abusives de plusieurs mois,
attendent toujours leur non-lieu. Puis, c'est la piste
«intellectuelle»: Castela et Andriuzzi seront condamnés en première
instance à 30 années de réclusion criminelle, puis acquittés en
appel, au terme d'un procès mettant en exergue les mensonges et les
faux commis par des policiers de haut rang, les mêmes que l'on
retrouvera au cœur du procès Colonna...
C'est à l'aune de ce contexte
qu'il faut apprécier la procédure menée contre celui-ci. Yvan
Colonna a été publiquement désigné par les plus hautes autorités de
l'Etat comme officiellement coupable, dès sa mise en cause en mai
1999. Ce postulat de culpabilité a ensuite accompagné tous les actes
du procès pénal, de l'enquête au procès, avec pour conséquence de
vicier irréversiblement le débat judiciaire sur la culpabilité ou
l'innocence de Colonna.
Cet homme est aujourd'hui l'otage
d'un jeu qui le dépasse : pour l'Etat, admettre son innocence serait
reconnaître que l'assassinat du préfet Erignac, décrété «cause
sacrée», n'est pas élucidé. Que la police et la justice
anti-terroristes sont dangereux pour la démocratie. Que ceux qui,
comme l'actuel président de la République, l'ont publiquement
affirmé coupable, se sont trompés. Voilà pourquoi il n'est pas
excessif de dire que Colonna est aujourd'hui prisonnier de la raison
d'Etat. Et voilà pourquoi nous demandons justice pour Yvan Colonna.
Edmond Simeoni
Edmond Simeoni, président du
Comité de soutien à Yvan Colonna, est un nationaliste corse
«historique». Autonomiste, il fut un des responsables de
l'occupation de la cave viticole d'Aléria mais s'est toujours opposé
à la violence politique, plaidant pour des solutions démocratiques
et politiques.
Dossier Yvan Colonna :
lire
tous les articles ici
Source photo :
Unità Naziunale, Archives du site.
Source info :
(mail) Unità Naziunale
© UNITA NAZIUNALE
Vos
réactions sur cet article ici :http://forucorsu.unita-naziunale.org/portal.php |