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La lettre de Petru Alessandri envoyée aux élus de la C.T.C

Le 27 septembre 2007 : Unità Naziunale, www.unita-naziunale.org. (Corse - Lutte de Masse)  (Laetitia Pietri - Alta Frequenza) - C’est un appel au sursaut pour l’avenir de la Corse et des Corses que Pierre Alessandri, condamné à la perpétuité dans le cadre de l’affaire Erignac, lance aux élus insulaires dans une lettre adressée à chaque groupe politique de l’assemblée de Corse.

Voici l'intégralité de la lettre de Petru Alessandri

Mr ALESSANDRI petru

Prisonnier politique

Centrale pénitentiaire

 

                                                                                             Lannemezan le 21 septembre 07

 

  Mesdames, messieurs les conseillers,

 

Au mois d’avril 2007, mon fils était interpellé, comme de nombreux patriotes, dans des conditions devenues malheureusement courantes en Corse et qui ne suscitent pas de votre part beaucoup de réactions.

Jugé en comparution immédiate, il était condamné à 15 jours de prison pour avoir jeté une pierre sur les forces de répression, lors d’affrontements à la fin d’une manifestation de soutien aux prisonniers politiques.

Lors de ce procès, le procureur de la république d’Ajaccio a prononcé un réquisitoire durant lequel il justifie la sévérité de la condamnation par le respect des lois républicaines et de l’état de droit.

Cet argument pourrait prêter à sourire pour qui connaît la situation politique et économique de la Corse.

Le procureur semble, ou feint d’ignorer  toutes les zones de non droit du type de l’île de Cavallu, par exemple, Terre corse, annexée par l’argent roi, à la barbe de la préfecture, de la gendarmerie et ce avec la complicité d’élus locaux.

Mais le procès en filiation qui s’en est suivi me laisse penser que le procureur d’Ajaccio était sûrement plus soucieux de plaire à sa hiérarchie.

Se saisir de l’affaire Erignac pour argumenter un réquisitoire conséquent à un jet de pierre a choqué plus d’un observateur, d’autant que Mr le procureur semble moins virulent dans d’autres affaires éminemment plus sensibles.

Aujourd’hui, dans la continuation logique de ce qui s’apparente à une vengeance d’état, on s’en prend à mon épouse, en invoquant la responsabilité qui est la sienne face aux parties civiles qui me sont réclamées.

Pour information le Trésor Public réclame à chacun des condamnés de la dite « affaire Erignac », 150 000€ à titre de dommages et intérêts pour la destruction de la gendarmerie de Pietrosella et pour les préjudices occasionnés aux militaires de faction.

Comme pour tous les autres patriotes condamnés, il nous est bien sur impossible matériellement de payer de telles sommes, car tout d’abord nous n’avons aucun revenu digne de ce nom.

L’administration pénitentiaire ne pouvant nous proposer de travail suffisamment rémunérateur pour envisager de rembourser ces dommages et intérêts.

La justice française est là, face à un paradoxe énorme, car non seulement elle condamne des hommes à de très lourdes peines de prison, détruisant par là même tout lien social et familial et nous demande ensuite de travailler à notre réinsertion et exige le remboursement de sommes faramineuses.

Nous sommes incarcérés depuis plusieurs années loin de notre terre au mépris même des lois françaises et ce, malgré la motion que vous avez voté il y a quelques années, à l’unanimité, et qui demandait notre rapatriement en Corse.

Cet exil a un coût, car durant toutes ces années nos familles et nos amis ont dépensé des sommes très importantes pour nous assurer un soutien et maintenir un lien familial.

En mandats, en déplacements ( avion, bateau, train ), ainsi qu’en frais de séjours.

Ces sommes auraient pu effectivement servir à rembourser cette « dette» envers l’état.

Nous avons été condamné une première fois à de lourdes peines de prison, cette condamnation s’accompagne d’une négation de nos engagements, car le problème politique Corse est une notion inacceptable pour la cour d’assises spéciale qui nous a jugé.

Faut il qu’à l’exil et l’éloignement de notre terre, nous supportions une énième peine qui consisterais à maintenir une épée de Damoclès au dessus de nos tètes avec le remboursement des parties civiles.

Parties civiles qui sont exigées à chaque demande de libération conditionnelle ou autre remises de peines.              

Nombreux seront ceux d’entre vous, qui estimeront que nous méritons ce qui nous arrive et ne comprendrons pas l’objet de cette lettre.

La première des raisons est de vous informer de notre sort, à un moment ou dans un élan unanime la classe politique corse se préoccupe du rapprochement des prisonniers politiques.

Avec l’espoir, que cela ne soit pas une position de circonstance, dans le calcul de futures combinaisons politiciennes ou un moyen de se donner bonne conscience après des années de désintérêt, voir d’opposition.

Mais que ce rapprochement soit compris comme faisant partie intégrante d’une solution plus globale.

Malgré une condamnation à perpétuité, la cour d’assises spéciale de Paris et ses juges ne m’ont pas privé de mes droits civiques ; je participe donc, toujours, à toutes les consultations électorales.

Et parmi ces droits, figure celui de m’adresser aux représentants élus de mon peuple.

En tant qu’homme, citoyen, et militant.

Le 30 Août 2007, le Monde écrivait dans son éditorial, « synthèse Corse » :

« chacun sait que depuis l’émergence du nationalisme, les forces de l’ordre ont concentrés leurs efforts sur les poseurs de bombes, laissant prospérer la criminalité. Les nationalistes portent bien sur une lourde part de responsabilité…..mais l’état ne peut pas s’exonérer de sa part de responsabilité. En laissant l’état de droit se déliter et les clans perdurer… »

Cet éditorial aurait mérité d’être développé et approfondit, mais la responsabilité de la classe politique Corse est flagrante.

Responsables ! Oui, sans aucun doute.

Vous ou vos prédécesseurs qui ont siégé dans cet hémicycle.

Si on peut reprocher au mouvement national corse dans son ensemble de n’avoir pas su saisir l’opportunité politique, d’une moralisation de la vie publique et l’occasion de faire tomber un système claniste, pourtant si longtemps stigmatisé et condamné.

Vous êtes condamnable de le cautionner, de l’alimenter par intérêt politicien, carriériste, par laxisme ou tout simplement par peur de froisser le pouvoir parisien.

Je vous ferais grâce de la liste et des détails des dossiers que le préfet Bonnet avait mis en évidence.

Mais combien d’entre vous pourraient chiffrer, par exemple le gouffre financier, que sont les filières pierre, bois, ou thermal ?

Savez vous que la station thermale de Guagnu, a coûté plusieurs milliards de centimes et que le conseil général de Corse du sud continue aujourd’hui encore de renflouer la SEM chargée de sa gestion ? Et ce pour quel résultat, économique et social ?

En terme de créations d’emplois ou d’entreprises ?

Que penser aussi de la gestion des SIVOM ?

Qui a  oublié que les malversations du SIVOM du Nebbiu sont aujourd’hui remboursées par les….contribuables des communes concernées.

Est il utile également de rappeler les dossiers concernant les chambres consulaires, la CADEC et autre SAFER ?

Dossier, qui de toute manière ont été jeté aux oubliettes de l’histoire ; les co-responsables, état, élus, préfecture, se sont neutralisés pour ne pas étaler leur écrasante responsabilité sur la place publique.

Que penser du dossier du Crédit Agricole, qui végète dans des cartons depuis des années.

Un dossier pourtant révélateur, mais qui sera sûrement édulcoré, et renvoyé aux calendes grecques.

Mais, en un temps ou votre président, Mr Sarkosy, prône et exige une politique de résultat,

L’intégrité et la crédibilité des hommes politiques, ne serait il pas temps de traduire ces belles paroles en actes.

Au nom d’une « ruptue » si souvent proclamée, n’est-il pas temps de rompre avec des pratiques clanistes et clientélistes d’un autre temps.

Afin de sortir la Corse de cet assistanat sclérosant et de donner au citoyen les moyens de son émancipation et de sa responsabilisation.

Aujourd’hui, devrions nous, nous patriotes Corses et nos familles être les seuls à continuer de payer un lourd tribu à la lutte, que nous avons choisi de mener pour sauver notre terre, notre langue et notre identité ?

Nous avons été pendant des décennies, d’une certaine manière, la conscience politique de la Corse, pour porter des revendications qui ont maintenant trouvé leur légitimité auprès de notre peuple.

Parfois contre vents et marées.

Nous devrions peut être nous réjouir de vous voir parler de bilinguisme, de l’Università di Corti, de protection de l’environnement, de développement identitaire, du rapprochement des prisonniers politiques, etc..

Alors que certains d’entre vous y ont été longtemps farouchement opposés.

Nous pourrions nous en réjouir, car nous avons pour la majorité d’entre nous milité de manière sincère et désintéressée, oui, si il n’y avait eu tant de drames, de victimes, de familles endeuillées et si tant de patriotes sincères ne croupissaient pas, en exil, dans les geôles françaises.

Nous ne pouvons, et vous ne pouvez pas refaire l’histoire, mais vous avez le pouvoir de ne pas hypothéquer l’avenir.

Vous êtes à la fois responsables et une partie du problème corse, même si certains d’entre vous ont reçu ce problème en « héritage politique ». Mais vous êtes aussi, sûrement, une partie de la solution.

Une solution politique globale, mais qui devra s’accompagner d’un changement des mentalités. Et non pas, par un énième saupoudrage financier du type PEI, car la Corse n’a pas manqué de moyens depuis….

Il faudra enfin comprendre la différence qu’il existe entre développement économique, intérêt collectif et enrichissement personnel et carriérisme.

Mais, il est en tout cas inconcevable de penser qu’aujourd’hui les hommes et les femmes qui ont porté le flambeau de la lutte ne fasse pas partie de cette solution.

Sans préjuger de ce que sera la nouvelle donne politique, du changement de pouvoir en France et avec la tenue d’un conseil des ministres décentralisé en Corse, elle pèsera lourd dans les mois à venir.

A condition de se débarrasser de ce préalable contradictoire qui consiste à ne pas vouloir discuter avec ceux qui ne condamne pas la violence, alors que ce même pouvoir, et Mr Sarkosy négocient sans aucun état d’âme, avec les dirigeants Libyens la libération des infirmières bulgares, avec les Talibans pour des libérations d’otages, alors que l’armée française intervient en Afghanistan.

Tente de négocier la libération d’Ingrid Betancourt, avec les FARC Colombiennes, alors que cette armée figure sur la liste de « l’axe du mal » éditée par les Etats Unis.

A l’instar d’autres régions comme la Catalogne ou la Sardaigne plus proche de nous, l’accession de la Corse à plus de souveraineté est inéluctable, je souhaiterais afin d’éviter à l’avenir d’autres drames et d’autres conflits, que tous les élus Corses toutes étiquettes confondues, fassent preuve de clairvoyance et de courage politique pour hisser la Corse à la hauteur des enjeux qui l’attendent et offrir à notre jeunesse des lendemains pus sereins.

  Hè sempre tempu .       

 

                                                                                      Sentimenti  Corsi

 

Source photo : Unità Naziunale, Archives du site.
Source info : Famille Alessandri,  Unità Naziunale

© UNITA NAZIUNALE 1999 - 2007

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