Le
16 avril 2008 :
(12:59
Unità Naziunale,
www.unita-naziunale.org - Corse - Lutte
Internationale) Le voile noir de la
réaction flotte sur l'Europe. Pas une année sans qu'un pays ne tombe
sous la coupe de la droite extrême. Quant à leurs soit disant
adversaires, ils ne valent guère mieux si ce n'est qu'ils sont pire
en alliant la bonne conscience à la dictature libérale. L'Otan et le
militarisme sécuritaire gagnent du terrain dans les têtes et sur les
champs de bataille.
Nous devons
partir de ce constat : le mouvement révolutionnaire a quasiment
disparu de l'horizon continental.
Bien sûr, ici et
là des poches de résistance dressent encore nos drapeaux. Ailleurs
les militants anti-capitalistes s'engagent tant bien que mal dans
des processus de recomposition. Ces processus sont fragiles et
souvent contradictoires mais ils ont l'infini mérite de dépasser
l'aveuglement des ghettos et les alibis sectaires de la
décomposition.
Depuis des
années, seule une infime minorité de militants se préoccupe de la
détention politique. Les autres demeurent sourds et absents. Et
beaucoup la nient tout bonnement à coup de postulats dogmatiques.
Pour quelques uns « il n'y aurait pas de prisonniers politiques » et
pour d'autres « il ne s'agirait que de terroristes ayant le sort
qu'ils méritent ». Cette arrogance de la fausse radicalité et ce
conformisme frileux découlent tous deux de nos défaites collectives
et du recul des positions révolutionnaires.
Ainsi les
justifications se tricotent à la veillée pour ne jamais participer
aux mobilisations solidaires chargées de trop de poudre et de sang.
Et quand ils y
participent, par exemple, lors d'une campagne contre l'extradition
menaçant un militant, ils sont d'autant plus confortés lorsque le
détenu, pour se sauver, renie son engagement passé, critique les
actions commises ou claironne ad nauseam le refrain de l'innocence.
Ainsi, au fil
des années sur le terrain de la solidarité, la dépolitisation s'est
aggravée.
Aujourd'hui, il
n'est pas rare d'entendre dans la bouche de nombreux militants le
discours du pouvoir bourgeois à propos de la loi, du droit et de la
justice, et avant tout dans la condamnation de la violence
révolutionnaire.
Lors des
tentatives actuelles de recomposition de la gauche révolutionnaire,
nous, prisonniers politiques et avec nous les membres des plus
anciens groupes de soutien, avons le devoir d'introduire et de
débattre de la question de la détention politique et ainsi de la
replacer au cœur des préoccupations militantes.
Ainsi nous
enrichirons de nos expériences le camp anticapitaliste et
participerons à la conscientisation et aux actions de la solidarité
de classe. Sur le terrain de la détention politique, cette
solidarité ne peut être un positionnement éthéré, elle réclame des
mobilisations conséquentes, une convergence de larges secteurs et
une pratique de longue durée.
Et sur la base
des combats passés et présents, elle doit se développer autour de
deux revendications permanentes :
- Dissolution
des tribunaux d'exception et abrogation des lois spéciales.
- Amnistie des
prisonniers politiques.
Cependant nous
sommes d'accord, la détention politique n'épuise pas la question de
la prison ni bien évidemment celle de la répression de classe, mais
plus que jamais à notre époque, elle se situe au cœur du système
répressif et matérialise la menace permanente contre tous ceux qui
osent s'organiser, lutter et résister. Et en premier lieu contre
ceux qui entrent en rupture avec la collaboration et le régime
autoritaire libéral.
La détention
politique est le nœud gordien du système répressif. Là où s'inscrit
jour après jour en béton et en fil barbelé la violence de l'Etat
réactionnaire.
La détention
politique constitue un des baromètres du rapport de force et de
l'antagonisme des classes.
Aujourd'hui près
de 300 prisonniers politiques sont enfermés dans ce pays, ils
subissent un arbitraire quotidien ; censure, dispersion, brimades,
interdits... Et certains camarades sont isolés, quelques-uns depuis
des années et des années.
Le seul but de
ce traitement est de les briser et de les retourner contre leur
propre engagement. Les tribunaux spéciaux espèrent ainsi les
utiliser dans les campagnes de contre-propagande pour la
pacification sociale et politique.
Pour l'Etat, un
détenu qui agit en prisonnier politique et revendique son action
passée est à éliminer. Depuis des années, la multiplication des lois
sécuritaires et des instances spéciales (en particulier la perpette
réelle et la création de l'application des peines anti-terroriste)
œuvrent à cadenasser le système du « nouvel anti-terrorisme ». Si de
nos jours, cette menace n'atteint pas encore l'ensemble de la gauche
anti-capitaliste, cela ne tardera pas dès les premiers signes d'une
reprise de pratiques contestataires de masses.
Quand nous en
serons à cette étape, notre conscience et notre expérience se
révèleront décisives.
Voilà pourquoi
la question de la détention politique doit être inscrite comme un
des points cruciaux de la recomposition de la gauche
révolutionnaire.
La répression
des résistances de notre classe mondiale et des peuples opprimés est
l'axe fondamental de la guerre en cours frauduleusement dénommée «
guerre contre le terrorisme et pour la sécurité ». C'est la nouvelle
forme de la lutte de la classe bourgeoise impérialiste où elle
inscrit à chaque étape la criminalisation jusqu'à la négation totale
des questions politiques posées par l'opposition à ses
planifications les plus sordides. Comme le procès de travail, la
répression, la guerre impérialiste et la guerre civile sont
mondiales. Aucun sujet d'actualité ne peut être abordé séparément de
ses implications transnationales. Et à chaque instant, notre
solidarité de classe est un combat brisant les murs et les
frontières.
La semaine
passée, la bourgeoisie et les bobos défilaient dans les rues en
brandissant les photos de militaires et de policiers colombiens dont
beaucoup sont des tortionnaires du régime narco-libéral et les
complices des escadrons de la mort. Aujourd'hui, je veux adresser un
message de solidarité aux détenus et guérilleros des FARC et de l'ELN.
Auquel j'y ajouterai un salut pour les camarades chiliens du FPMR
détenus dans les prisons brésiliennes de Lula. Et également pour les
prisonniers du PCP et du MRTA, enterrés vivants dans les geôles du
gouvernement social-démocrate péruvien.
Alors que les
forces impérialistes et colonialistes sont engagées dans l'agression
« anti-terroriste » contre les peuples du Moyen-Orient, je
terminerais par un message de solidarité destiné aux résistances
palestiniennes, libanaises et irakiennes, fer de lance des peuples
de la région et à leurs prisonniers politiques :
- A tous ceux
qui subissent les agressions de l'OTAN, des sionistes et de l'armée
US
- Aux habitants
des villes et des camps bombardés.
- Aux
populations livrées aux mercenaires et autres supplétifs et menacées
par les escadrons de la mort et les « assassinats ciblés ».
- Aux résistants
arrêtés, torturés, enlevés, déportés à Guantanamo ou disparus dans
les prisons secrètes de la CIA.
- Aux milices
ouvrières des quartiers populaires de Bagdad, aux grévistes et aux
émeutiers du Caire.
- Aux
prisonniers communistes libanais, Samir Kuntar détenu dans les
geôles de l'Etat sioniste depuis 1979 et au camarade Georges Ibrahim
Abdallah, emprisonné en France depuis octobre 1984.
A tous ceux
qui résistent !
Votre combat
est notre combat !
J. Marc Rouillan
Prisonnier Politique d'Action Directe
Prison des Baumettes
Marseille avril 2008
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