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Interview de IÑAKI DE JUANA : Plus de 47 jours de grève de la faim

Le 23 septembre 2006 : Le soutien inconditionnel des nationalistes corses aux prisonniers politiques basques n'est plus a démontré. Encore une fois, un prisonnier politique basque est victime de la répression inique de l'Etat Espagnol. Nous vous invitons à lire cet article et à soutenir avec vos moyens, notre frère de lutte Iñaki.

Le militant historique de l'ETAT,  Iñaki de Juana Chaos a commencé, le 7 août, une grève de la faim illimitée pour exiger le respect de son droit à la liberté.

(Source Le journal du pays basque) Le prisonnier basque Iñaki de Juana Chaos, en grève de la faim depuis le 7 août dernier pour réclamer sa libération après 19 ans et demi de prison, a commencé à être alimenté de force dans l’hôpital Punta Europa de Algeciras, ont annoncé mercredi soir les médias espagnols. Cette alimentation forcée accompagnée d’administration de médicaments a débuté mercredi après avoir été ordonnée par l’Audience Nationale espagnole "en raison des risques encourus pour la santé" du militant donostiar.

Iñaki de Juana avait précisé à plusieurs de reprises son refus à être alimenté contre sa volonté. Il avait été transféré avant-hier à l’hôpital pour que les médecins puissent suivre de près son état. Mercredi, il arrivait à son 45e jour de grève de la faim.

Selon les responsables pénitentiaires, l’administration de substances intraveineuses a été réalisée "de manière parfaitement normale et sans incidents". L’avocat du prisonnier, Me Alvaro Reizabal, a dénoncé n’avoir pas été prévenu et avoir appris la nouvelle par le biais de la presse. Me Reizabal affirme qu’il s’agit d’une situation déjà trop habituelle: il se plaint de n’obtenir des informations officielles sur son client qu’avec une semaine de retard.

Un rassemblement a eu lieu hier soir face au consulat d’Espagne à Pau et une mobilisation similaire est annoncée pour ce soir à Bayonne, toujours devant le Consulat espagnol (18h30). Les membres de l’association d’élus Udalbiltza du Pays Basque nord ont appelé à participer à ce rassemblement.

VOICI L'INTERVIEW DE IÑAKI DE JUANA Aujourd'hui 47 jour en grève de la faim. Il a été traduite par Solidaires du Peuple basque en lutte - Paris

«Toutes les mesures qu’ils ont prises l’ont été en violation de ma volonté»

·«Le sous-directeur médical de la prison m’avait dit qu’ils ne me laisseraient pas aller au-delà de 50 jours»

Iñaki de Juana Chaos a été hospitalisé mardi dernier à Algeciras et, depuis mercredi, il reçoit une alimentation forcée par voie intraveineuse. GARA publie aujourd’hui une interview exclusive du prisonnier, datée du 14 septembre dernier et réalisée à Algeciras, alors qu’il était en grève de la faim depuis 38 jours et n’était pas encore nourri de force. Les Solidaires du Peuple basque en lutte – Paris (SPBL-Paris) l’ont traduite en français et vous la transmette maintenant. De Juana précise que toutes les mesures prises par les équipes médicales « et celles qui viennent » sont réalisées contre sa volonté.

« Je ne crois pas qu’ils vont attendre longtemps ». De cette façon se référait, la semaine passée, Iñaki De Juana, quant à la possibilité d’être alimenté « contre ma volonté et par la force ». Dans cette interview, le prisonnier de Donostia/Saint Sébastien revient sur sa situation particulière et sur celle du Collectif des Prisonniers Politiques Basques, rappelant que derrière elle, il y a une stratégie politique de l’État espagnol.

­Le 7 août passé, vous avez commencé une grève de la faim illimitée. Quelles ont été les raisons principales qui vous ont poussé à cela ?

Elles ont été quatre : la conviction que la jurisprudence qui se crée par ce biais affectera tous les prisonniers politiques et la liberté d’expression, et pas seulement moi ; l’assurance que je ne porte atteinte à personne, que les conséquences positives le seront pour tous et que les conséquences négatives ne le seront que pour moi ; l’intime nécessité de dire « ça suffit » à tant d’agression ; et exiger la libération alors que ma peine est terminée.

Au lieu d’un autre mode de lutte, vous avez opté pour la forme de lutte la plus dure…

Les formes de lutte d’un prisonnier sont très limitées : refus de plateaux, grève de la faim et d’autres formes purement symboliques. Malheureusement, et bien qu’avec de nombreuses limitations, la seule chose qui est réellement prise au sérieux pour dénoncer et faire pression, c’est de mettre ta vie entre les mains de l’Administration. Et par rapport à l’extérieur, c’est ce qui fait le plus de bruit, justement du fait de sa dureté.

­Vous avez passé plus d’un mois sans manger. Comment s’est passée cette période ?

Très rapidement, du fait de ma grande motivation. Très forte. Physiquement, avec l’affaiblissement normal, mais psychologiquement avec une plus grande conviction que lorsque j’ai pris ma décision.

­L’Audience Nationale espagnole a ordonné que vous soyez amené dans un centre hospitalier pour être soumis à différents examens, ainsi que pour être alimenté, même contre votre volonté. Quelle est votre opinion ?

Jusqu’à aujourd’hui, 14 septembre, ils m’ont conduit à l’hôpital à deux reprises, llors des deux premières semaines, pour me faire des électrocardiogrammes et diverses analyses ; je me suis refusé à collaborer avec une équipe médicale qui est disposée à agir contre ma volonté et par la force. Depuis ces deux semaines, ils me font les analyses en prison, avec la protection que leur accorde la décision de l’Audience Nationale.

L’Audience Nationale a dicté, pour l’instant, deux décisions : une, du Tribunal Central de Surveillance Pénitentiaire, et l’autre de la Première Chambre Pénale. Les deux vont dans le sens d’un transfert à l’hôpital quand ils le veulent et que des analyses me soit faites.

Jusqu’à maintenant, ils n’ont pas pris la décision de l’alimentation forcée, mais ils ont déjà dit qu’ils la prendraient, et je ne crois pas qu’ils tarderont, puisque le sous-directeur médical de la prison m’a informé qu’ils ne laisseront pas passer 50 jours sans m’alimenter par la force.

Tant les mesures qu’ils ont prises jusqu’à maintenant que celles qui vont venir violent injustement ma volonté, quelles que soient les bases constitutionnelles dont elles disposent. Torture psychologique, qu’est la violation de ta volonté, torture physique, violation de ton corps, parce qu’ils le font par la force physique. En plus, ces mesures prolongent la souffrance mais ne garantissent pas la vie, et encore moins une vie saine et dans de bonnes conditions.

Une des décisions est justifiée par les médecins précédents qui parlent « d’insuffisance rénale »…

Au début des années 90, dans la prison de Salto del Negro, différentes luttes très dures ont été menées. En 1992, j’ai participé à une longue grève de la faim. D’autres compagnons, Esteban, Tapia, Garratz... ont fait plus que moi, avant et après que j’y sois.

Lors de la troisième et dernière grève de la faim à laquelle j’ai participé, j’ai souffert d’une grave insuffisance rénale à quarante et quelques jours de lutte. Ils m’ont mis une sonde contre ma volonté et m’ont sorti en urgence de cette prison. Je devais être mal, puisqu’un médecin m’a accompagné pendant toute la traversée en bateau et, ensuite, en ambulance jusqu’à l’infirmerie de la prison de Málaga, où ils m’ont gardé un mois et demi, jusqu’à ce qu’ils me récupèrent.

Comme on le sait, quand les reins subissent des lésions, c’est définitif, mais les miens n’en sont pas arrivés là. Les lésions étaient réversibles et j’ai totalement récupéré. Quatorze ans après, les Institutions Pénitentiaires sortent ce dossier des cendres et le transmet à l’Audience Nationale pour justifier des mesures adoptées avec tant de célérité. D’où la rédaction de la décision.

Mais je veux qu’il soit clair qu’au moment de commencer la grève de la faim, ma santé était parfaite, sans la moindre petite maladie.

­Vous avez démontré une totale détermination à continuer la grève de la faim. Sur quoi basez-vous la fermeté de cette décision ?

Sur le fait que c’est l’unique arme dont je dispose. Je ne sais pas ce qui arrivera dans cette situation. Cela dépendra de divers facteurs. Mais j’ai l’assurance que l’autre alternative, c’est la prison à perpétuité et la mort de vieillesse en prison. Je préfère batailler. Dans tous les cas, lutter c’est déjà gagner. Mais je ne veux pas que cette décision soit considérée comme désespérée, parce que ce n’est pas le cas. C’est un combat.

­Depuis que vous avez commencé votre protestation, de nombreuses manifestations ont eu lieu dans la rue. Quelle valeur ont ces gestes de solidarité ? La chaleur de la rue vous parvient ?

Oui. Elle me parvient. Elle a une très grande importance pour mon courage et pour la possible – bien que difficile – résolution de cette situation. Je suis immensément gratifiant. Mais je suis également conscient que, comme cela doit être, une partie seulement de ce soutien m’est adressé. La solidarité est pour toutes et tous les prisonniers politiques et toutes les personnes réprimées pour leurs idées. Ce qui se passe, c’est que ma situation est une des plus évidentes, mais elles sont toutes scandaleuses. Il semble que cela ait été un élément déclanchant face à un trop plein d’immobilisme et d’agression.

Jusqu’à maintenant, les attaques contre le Collectif des Prisonniers Politiques Basques et ses conditions de vie se sont succédées les unes aux autres. Quelle lecture faites-vous de cette situation, et comment la voit l’ensemble du Collectif ?

Je ne suis personne pour dire ce que pense l’ensemble du Collectif. Seuls les camarades désignés comme représentants officiels de tous les prisonnier(e)s politiques basques peuvent le faire. De plus, sincèrement, répondre à cette question serait présomptueux de ma part, parce que, bien que cela puisse paraître étrange, je ne le sais pas. Je me réfère au fait que, depuis la dispersion, j’ai presque toujours été en département d’isolement avec un nombre limité de camarades. Je ne sais donc que ce que pensent certains.

Je crois que l’État, particulièrement ces trois dernières années, a rempli le sac des otages pour ensuite, si besoin, l’alléger au compte-gouttes. Et dilater dans le temps, en maintenant le chantage, tout processus de résolution du conflit. Revenir, comme par générosité, sur les mêmes pas répressifs qu’il avait fait et, après des années, revenir à la même situation que celle dans laquelle nous étions il y a quinze ans.

Mais, sans parler au nom de qui que ce soit, ce que je sais – comme n’importe quel observateur – c’est que le Collectif a résisté à tous types d’agressions depuis près de trente ans, et qu’il continuera à résister.

­Dans votre cas, deux articles d’opinion ont été utilisés pour demander une nouvelle condamnation à 96 ans…

Mais parce que, d’abord, ils ne m’ont pas fait sortir, car ils ont annulé des décisions judiciaires fermes relatives à des remises de peine pour études. Quand cela ne leur laissait pas assez de liberté – cela créait des contradictions parmi les juges et la « doctrine Parot » du Tribunal Suprême n’existait pas encore – ils ont sorti les deux articles. Ce qui manquait pour remplir le sac. Que personne ne sorte. Ou, au moins, que personne ne sorte si on ne veut pas qu’il sorte.

­Dernièrement, des responsables politiques et institutionnels basques ont fait des déclarations demandant le rapatriement ou, au moins, le rapprochement. Comment comprenez-vous ces manifestations ?

Comme des feux d’artifices. Pure hypocrisie. Parce que cela reste des déclarations, les faits ne leur correspondent pas. Ils ne prennent pas des mesures effectives qui leur donnent crédibilité. De plus, il ne faut pas oublier que tous ces responsables politiques ont participé à la dispersion, à la souffrance, aux charges économiques, aux morts dans la prison, aux morts dans les familles, parmi amis, au cours d’accidents…

La seule à toujours avoir été aux côtés des prisonnier(e)s, c’est la gauche indépendantiste. Il ne faut pas l’oublier ou laisser son attention se détourner dans les palabreries. Ce qui arrive, c’est qu’avec une attitude d’indignité immense – une de plus – tous ces responsables politiques cherchent une capitalisation politique possible d’un éventuel futur rapatriement.

­Vous avez l’espoir que la pression populaire parvienne à quelque chose quant au Collectif ?

Particulièrement, je n’attends rien des dirigeants espagnols, je n’attends rien de plus de répression. Ni non plus des collaborateurs de la Communauté Autonome Basque ou de ceux de la Communauté Forale de Navarre. Comme toujours, la gauche indépendantiste devra affronter les problèmes et les résoudre en solitaire, avec ses propres forces. Comme toujours, en luttant et en se sacrifiant. Lutter et se rebeller, c’est ne pas se laisser assimiler. C’est résister. Et, finalement, vaincre. -

 

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