Le
18 septembre 2006 : Alain Ferrandi a tenu à réagir aux évènements
récents et à la situation actuelle de notre terre et de notre peuple
qu’il juge inquiétante.
Ces lignes n’engagent que leur
auteur et ceux qui partagent la pertinence du propos. En aucun cas
elles ne peuvent être considérées comme avalisées par l’ensemble des
signataires de pétition ou adhérents au Comité de soutien.
Alain, persuadé de l’efficacité
des techniques nouvelles, désire utiliser celles-ci pour redonner la
parole aux militants. Par l’intermédiaire d’internet, il désire «
lancer le débat, de façon humble, sans prétention aucune » ; il est
disposé à répondre à vos questions.
Voici le contenu de sa lettre :
La disparition tragique de deux
militants indépendantistes, au-delà de l’émotion générale qu’elle a
pu susciter, a provoqué chez moi bien des interrogations. Ces décès
interviennent dans un contexte politique particulier, notamment pour
le mouvement national qui peine à trouver un nouveau souffle.
Je ne condamnerai pas la violence
politique ; je n’entrerai pas dans une stratégie de reniement
pourtant de plus en plus présente chez certains l’ayant pratiquée.
L’action militaire violente a été pour moi, comme pour beaucoup
d’autres patriotes sincères, un moyen de résistance et non pas une
fin en soi. Or les nombreux sacrifices paraissent tout au moins en
décalage avec la réalité que nous connaissons aujourd’hui au sein du
mouvement national. Ne serait-il pas opportun, à partir d’un
diagnostic lucide de la situation et d’un examen critique de nos
engagements d’analyser nos erreurs tactiques et stratégiques pour
susciter une prise de conscience générale, un sursaut qualitatif
pour enfin nous extraire de l’impasse politique où nous ont conduits
nos errances passées. Il est de notre devoir de comprendre les
raisons de notre échec patent qu’il est inconscient de continuer à
nier.
Nombreux sont les observateurs,
objectifs parfois, à constater notre incapacité chronique à nous
inscrire dans une nouvelle dynamique de lutte qui redonnerait un
sens politique à nos engagements, une lisibilité comprise et admise
par notre peuple.
Le peuple corse est en péril,
notre économie exsangue, notre littoral voué à la marchandisation,
l’intérieur du pays, longtemps colonne vertébrale de l’affirmation
de notre identité, est condamné à une désertification effrénée,
enfin, notre langue est toujours menacée sur sa propre terre. Ce
constat est le même depuis trente ans, il est certes le fruit d’une
politique sciemment menée par les clans qui ont toujours su
s’adapter aux évolutions institutionnelles pour perpétuer leur mode
d’action basé sur le clientélisme et l’assistanat. Mais nous ne
pouvons pas nous départir de nos propres responsabilités, force est
de constater que notre présence au sein de ces institutions n’a
jamais changé la donne politique imposée par le clan.
Les nationalistes restent empêtrés
dans des démarches permanentes de recomposition dont le seul but est
de préserver une existence au sein d’une assemblée vassale de l’état
français. D’unions stériles en désunions, nous gaspillons notre
énergie en nous abritant derrière des communiqués et des discours de
circonstance. Nos actes sont en inadéquation avec les valeurs que
nous prétendons défendre. La magie des mots n’a jamais remplacé les
actes forts. Avons-nous eu, une seule fois, le courage d’analyser
l’opportunité de notre présence au sein de cette institution au
pouvoir limité ? Notre participation à ce jeu parlementaire ne se
fait-elle pas au détriment du terrain et de l’investissement des
militants ? Par ce biais là avons-nous fait réellement progresser
l’enseignement de notre langue dans les établissements scolaires,
collèges et lycées ? J’en doute ! Nous n’avons même pas su mobiliser
des fonds privés pour créer une école par immersion totale qui
aurait pu servir de vitrine de notre savoir faire. Avons-nous
proposé un schéma de revitalisation de l’intérieur d’ampleur
national pour nous opposer à la désanctuarisation du littoral voulue
par certains ? La faillite dans ce domaine est consternante.
L’installation de jeunes agriculteurs sur l’ensemble du territoire
est quasiment nulle.
Comment se contenter de
déclarations d’intention pour défendre notre terre ? A ce sujet, on
peut s’interroger sur le fait que les régions de Balagne et de
l’Extrême Sud connaissent, sans frein d’aucune sorte, une
spéculation foncière démesurée.
Cessons de faire les autruches,
notre situation en tant que peuple est plus qu’inquiétante. Il nous
faudra de l’audace, de l’engagement, des efforts constants pour
relever les défis qui nous attendent ; du courage politique aussi
pour procéder à cette analyse lucide de nos propres carences
structurelles. Il est nécessaire de rénover en profondeur ces
structures, modifier les pratiques de fonctionnement, se rapprocher
des gens et des associations qui luttent si nous désirons
accompagner l’enthousiasme de notre jeunesse. Il appartient à chacun
d’entre nous d’opérer une mutation salutaire au sein d’un vaste élan
collectif qui nous permettra de recouvrer une vraie légitimité
auprès de notre peuple. Cet effort doit s’inscrire dans la durée,
c’est le prix qu’il faudra payer pour éviter de disparaître.
Alain FERRANDI.
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Unità Naziunale, Archives du site.
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