Le
23 mai 2009 :
(13:00
Unità Naziunale,
www.unita-naziunale.org - Corse - Lutte de Masse) (article
du 18 mai de corse matin) Lorsqu'à la
sortie d'un film vous entendez des spectateurs déclarer haut et fort
« Les Corses ne sont vraiment que des brutes sanguinaires »,
avouez qu'un certain malaise peut vous saisir imparablement.
C'est ce
qui s'est produit ce dernier week-end après la projection du film de
Jacques Audiard, Un prophète qui, excusez du peu, représente
la France dans la compétition officielle du Festival de Cannes.
Ce
long-métrage qui, durant 2 h 30, vous plonge dans un terrible
univers carcéral où des nationalistes corses comparés à des voyous
sans foi ni loi font régner la terreur, a suscité une vive polémique
sur la Croisette.
René Viale,
le président du Festival du cinéma italien de Bastia, s'est déclaré
« très choqué par ce film qui, une fois encore, donne une
déplorable image de la Corse et des Corses ».
« Même
s'il s'agit d'une fiction, je trouve intolérable ce côté réducteur
qui fait passer les insulaires pour des assassins avides de sang et
de pouvoir, racistes et désormais esclavagistes. Comme le festival
de Cannes a une portée internationale, que va-t-on penser de nous
dans le monde entier ? Il faut arrêter de sacrifier la Corse sur
l'autel du septième art. La série télévisée de Canal +,
Mafiosa, avait déjà déchaîné
les passions par des scènes violentes et totalement gratuites. Là,
c'est encore pire, car dans le film de Jacques Audiard l'hémoglobine
coule à flots à cause des Corses, bien sûr ».
Sortie officielle le 26 août
Un prophète
a été tourné cet hiver à Gennevilliers dans un décor de prison
superbement reconstitué. Sa distribution officielle est prévue pour
le 26 août.
L'histoire
raconte le parcours initiatique d'un jeune maghrébin qui, suite à
son incarcération, tombe sous la coupe d'un groupe de prisonniers
corses dont il devient l'esclave. Un vieux truand insulaire du nom
de César Lucciani lui donne alors l'ordre de tuer une « balance »
puis d'assurer des missions de plus en plus violentes, à l'intérieur
et à l'extérieur de la prison lorsqu'il sort en permission. Mais,
très rusé, le jeune Malik utilisera toute son intelligence pour
développer discrètement son propre réseau afin de se venger.
Certaines
séquences sont véritablement insoutenables. Et le clan des voyous
corses est toujours là quand la violence atteint son paroxysme.
Plusieurs acteurs corses
Jacques Audiard qui,
rappelons-le, est le fils du célèbre scénariste Michel Audiard, et
le réalisateur du film aux six Césars De battre mon coeur s'est
arrêté, a souhaité jouer « la carte identitaire ». C'est
pour cela qu'il a donc choisi de mettre en exergue des Corses dans
son film. Mais, selon nous, sa décision ne tient pas car il aurait
pu alors y intégrer des gitans ou des basques. Selon René Viale,
« s'il a décidé que les Corses seraient les brutes de service de son
film, c'est parce que la Corse est aujourd'hui à la mode et que tous
les faits-divers qui défrayent la chronique judiciaire insulaire
sont très vendeurs ».
Ce qu'il
faut également remarquer est que dans ce film, l'avocat insulaire du
vieux truand joué par Niels Arestrup, est bien entendu malhonnête :
on n'en est plus à un excès près !
Il faut
noter aussi que plusieurs comédiens insulaires tiennent un rôle dans
Un prophète. On retrouve notamment Jean-Emmanuel Pagni,
Jean-Philippe Ricci, Pierre Leccia qui a écrit le scénario de
Mafiosa, et Frédéric Graziani qui a réalisé il y a quelques
années à Bastia Le cadeau d'Elena. Ils sont tous remarquables
dans la peau de leurs personnages respectifs. De fait, beaucoup de
festivaliers se sont étonnés de ne pas les voir lors de la
traditionnelle conférence de presse cannoise.
Ambiguïté malsaine
Président de la
cinémathèque de Corse, Dominique Landron, estime pour sa part que
« ce film est réussi d'un point de vue purement cinématographique ».
Selon lui, « depuis Le Trou de Jacques Becker, on n'avait
pas fait mieux sur l'univers carcéral ». Il pense également
qu'il « faut prendre Un prophète pour ce qu'il est, à
savoir une oeuvre fictionnelle et pas un documentaire.
« Il ne
faut pas retirer à un créateur son pouvoir de création,
précise-t-il. Toutefois, je
regrette amèrement deux choses.
« La
première est une erreur historique, en l'occurrence faire croire au
public que le rapprochement des prisonniers politiques corses a été
accepté par Nicolas Sarkozy et que, de ce fait, les détenus peuvent
désormais regagner la prison de Borgo et quitter les prisons
continentales en chantant le Dio vi salvi
Regina, comme c'est le cas dans le film.
« Le
second point qui m'a vraiment interpellé est que le réalisateur a
créé un véritable amalgame entre les nationalistes et les voyous. »
Dans son
film, qui est souvent parlé corse avec des sous-titres français,
Jacques Audiard laisse en effet planer une ambiguïté malsaine.
Jean-baptiste Croce
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