D'Aleria
en 75, en passant par Bastelica Fesch en 80, son incarcération en
1998 dans la piste agricole à la création d'Unità en 1999, Marcel
Lorenzoni était un acteur incontournable de la Lutte de libération
Nationale.
(source journal L'Express) Né en 1944 à Poggio-di-Lozzi
(Haute-Corse), il entreprend trois années de faculté dentaire à
Marseille. (...) Il tente un an de fac de lettres à Nice, avant de
tout plaquer pour s'engager dans les parachutistes. Il en ressort
sergent-chef, ayant acquis un goût marqué pour l'autorité, le
commandement et l'action directe. Il retourne alors au pays et
s'engage dans la lutte nationaliste.
Il
participe, l'arme au poing, à l'occupation de la cave d'Aléria, en
1975, pour protester contre la présence des viticulteurs
pieds-noirs. L'affaire tourne au drame. L'établissement est pris
d'assaut par les gendarmes: deux d'entre eux trouvent la mort. Le
jeune homme prend le maquis et écope, en juin 1976, de quatre ans de
prison par défaut. Quelques jours après sa condamnation, il est
arrêté à Paris, soupçonné d'avoir déposé une bombe dans un dépôt
pétrolier à Gennevilliers (Hauts-de-Seine). Incarcéré jusqu'en
décembre 1976, il entame en prison une grève de la faim et obtient
une relaxe l'année suivante. Deux événements qui vont se renouveler
souvent dans sa vie... Il s'installe alors dans son fief familial,
le village de Bastelica. En janvier 1980 se déroule le «fait
d'armes» qui va le rendre célèbre dans l'île de Beauté et dans les
milieux nationalistes.
A
l'époque, des militants profrançais se livrent, sous l'étiquette du
groupe Francia, à une guerre secrète, encouragée par le pouvoir,
contre les activistes corses. Lorenzoni repère ainsi, dans son
village, un commando de Francia, dirigé par un certain commandant
Bertolini, censé venir l'assassiner. Le militant nationaliste
capture le commandant et, pour éviter un assaut des forces de
l'ordre, part se réfugier avec ses troupes dans un hôtel du centre
d'Ajaccio, l'hôtel Fesch, dont il prend les clients
en
otages... La police fait le siège de l'établissement, bientôt
rejointe par les super gendarmes du GIGN. La ville connaît alors une
nuit d'émeutes proches de la guerre civile. Un CRS est assassiné par
un jeune nationaliste - qui bénéficiera, plus tard, d'une
amnistie... La fille d'un médecin est tuée par erreur par la police
parce que, effrayée, elle tente d'éviter un contrôle. Enfin, un
jockey est abattu par les gendarmes, qui ont cru qu'il allait forcer
un barrage...
(...)Finalement,
Lorenzoni accepte de se rendre au capitaine Barril, parachutiste
comme lui. Mais ses troupes sortent les armes à la main et un
commissaire de police corse sert d'interprète, car les nationalistes
refusent de s'exprimer en français. Pour ce haut fait, Lorenzoni est
condamné, le 11 février 1981, à quatre ans d'emprisonnement. Mais
après une nouvelle grève de la faim, et surtout grâce à l'amnistie
décrétée par le nouveau pouvoir, il est libéré le 5 août 1981.
(...) son audience
s'accroît dans le monde agricole. Il fonde le Syndicat corse de
l'agriculture et occupe la chambre d'agriculture d'Ajaccio, qui est
ensuite détruite par un attentat. Autre «exploit»: il participe, en
janvier 1991, à l'enlèvement d'Aurélien Garcia, commissaire au
développement économique de l'île. Le fonctionnaire, ficelé dans un
sac de couchage, est déposé sur le tapis à bagages de l'aéroport
d'Ajaccio, en direction de Paris... Pour cette «action d'éclat», il
est condamné, en mars 1991, à trois mois d'emprisonnement avec
sursis... Plus grave, un an auparavant, lors des Journées
internationales de Corte, Lorenzoni annonce à la tribune l'arrivée
d'un groupe de clandestins, cagoulés. Ils revendiquent l'assassinat
d'un militant du Canal historique, Robert Sozzi. Ce meurtre interne
va déclencher une profonde crise au sein du mouvement. Après la mort
du préfet Erignac, les policiers, en perquisitionnant au domicile de
la compagne de Lorenzoni, découvriront, dans la mémoire de son
ordinateur, un projet de revendication du meurtre de Sozzi. Ce
texte, légèrement transformé, avait été distribué lors d'une
conférence de presse clandestine dans le maquis.
Dans les
années 90, Lorenzoni monte dans la hiérarchie du mouvement. D'abord,
dans ses structures officielles. Il devient, en 1993, secrétaire
général d'A Cuncolta Naziunalista, la vitrine officielle du Canal
historique, et fonde un syndicat agricole encore plus radical. (...)
En 1996
Marcel Lorenzoni quitte A Cuncolta et fonde son propre mouvement, le
Collectif pour la nation, qui se transformera, en 1998, en Parti
pour l'indépendance.
Le 10
décembre 1997, il participe avec le Comité de défense des
agriculteurs corses à l'occupation des locaux de l'Odarc (Office de
développement agricole et rural de la Corse), pour protester contre
la décision d'Alain Juppé de revoir les conditions d'obtention de
certains prêts agricoles.
A cette
occasion, Lorenzoni livrera aux manifestants le contenu d'une note
secrète du préfet délégué à la police corse, Gérard Bougrier, qui
réclame, à Paris, une enquête fiscale approfondie «sur certaines
personnes»... dont Marcel Lorenzoni. Cette note, qui permet de
prendre violemment à parti le préfet Erignac, sera plus tard à
l'origine de la fameuse «piste agricole», mobile de l'assassinat du
préfet.
Peu
avant la mort du haut fonctionnaire, Marcel Lorenzoni va se
retrouver au cœur d'une intrigue dont les Corses ont le goût et le
secret. Deux communiqués d'un mystérieux groupe Sampieru vont le
mettre en cause. Ce groupe a revendiqué, en septembre 1997, un
attentat contre l'ENA, à Strasbourg, et surtout contre la caserne de
gendarmerie de Pietrosella, où des armes sont volées, dont le
pistolet MAS 9 millimètres qui servira à assassiner Claude Erignac,
le 6 février 1998.
Trois
semaines avant ce meurtre, ce mystérieux groupe annonce son
autodissolution. Dans un premier communiqué, il évoque l' «idéal
parachutiste» et les chefs «méprisés malgré leur capacité
militaire». Il parle également de la «filière porcine»... Autrement
dit, il désigne quasi ouvertement Marcel Lorenzoni. Le deuxième
texte, lui, condamne par avance toutes les actions menées «contre
certains fonctionnaires représentants éminents de l'Etat
colonial»... Ces textes, expédiés le 21 janvier 1998 à un
journaliste parisien, vont prendre une très grande importance, après
le séisme politique provoqué par la mort de Claude Erignac.
Trois
jours après l'assassinat du préfet, il est arrêté par la Division
nationale antiterroriste (DNAT). On trouve plusieurs armes chez lui:
un fusil à pompe, une carabine Ruger, un fusil semi-automatique, un
gilet pare-balles. Mais, surtout, la perquisition, effectuée dans la
maison de Bastelica, se révèle particulièrement fructueuse. Les
policiers découvrent, dissimulés dans un sac-poubelle déposé sur le
sommet d'une armoire, 18 bâtons de dynamite, ainsi que 6
détonateurs. D'après les enquêteurs, Lorenzoni a paru surpris par
cette découverte. A l'époque, ils ont cru que le nationaliste avait
oublié l'existence de ce matériel compromettant.
A partir de 1998 :
MARCEL
LORENZONI, injustement incarcéré le 13 février 1998, entame en ce jour
du 30 Avril 1998 une grève de la faim
pour protester contre les mesures pris à son encontre : Aucune audition par le
juge d'instruction, rejet de toutes les demandes de permis, courrier très
aléatoire, morcellement des dossiers entre plusieurs juges, juges absent...
Lorenzoni Marcellu
876302C 2 Div. Cellule 158
Maison d'arrêt Prison de Fresnes Allée des Thuyas
94261 Fresnes CEDEX
FRANCE
Le 30 Avril 1998 : MARCEL LORENZONI,
incarcéré sur une décision du juge Bruguière depuis le 13 février,
entame une grève de la faim pour protester contre les mesures pris à
son encontre : Aucune audition par le juge d'instruction, rejet de
toutes les demandes de permis, courrier très aléatoire, morcellement
des dossiers entre plusieurs juges, juges absent...
Le 12 Mai 1998 : Le comité FRATELLENZA rappelle lors d'une
manifestation à AIACCIU que MARCEL LORENZONI est en grève de la faim
depuis treize jours. Les militants de l'Associu FRATELLENZA ont
manifesté devant les grilles de la préfectures d'Aiacciu. JEAN MARIE
LORENZONI déclare : "nous avons le sentiment que MARCEL subit une
traitement spécifique. Malgré son action, il n'a toujours pas été reçu
par le juge depuis son incarcération. Nous avons entamé diverses actions
pour sensibiliser l'opinion car, au fil des jours, son état de santé
risque de se dégrader. Nous avons ainsi écrit à l'évêque ainsi qu'aux
principaux élus de l'île. A ce jour nous n'avons pas reçu de réponse. en
privé certains condamnent cette manière de faire de la 14ième section
mais aucune position officielle n'a été prise..."
Le Vendredi 29 Mai 1998 : Les amis de Lorenzoni qui ont
entamés une grève de la faim la stoppe pour ne pas empêcher Marcel
Lorenzoni de continuer la sienne... Lors de cette semaine de soutien, L'Associu Fratellenza a recueilli plus de 1200 signatures...
Les 2 et 3 Juin 1998 : Des interpellations de militants
proches de Fratellenza ont été opérées dans la région de Ghisunaccia et
d'Aleria... Certains d'entres eux ont été déportés à Paris...
Le
Jeudi 4 Juin 1998 : La demande de remise en LIBERTE de Marcel Lorenzoni
a été rejetée... Marcel qui
entame son 37ième jour de grève de la Faim a été admis à l'infirmerie de
la prison de Fresnes...
Le 30
mars 1999
: Levée
du mandat de dépôt de Lorenzoni dans l'affaire Sozzi, M. Lorenzoni reste toutefois détenu à la maison
d'arrêt de Fresnes en vertu d'un autre mandat de dépôt qui lui
a été notifié en marge de l'enquête sur l'assassinat du
préfet Erignac par le juge d'instruction Jean-Louis Bruguière.
Egalement mise en examen dans ce dossier pour "association
de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste",
la compagne de M. Lorenzoni, Fabienne Maestracci, était pour sa
part toujours détenue mercredi.
13 avril 1999 : La chambre
d'accusation de la Cour d'appel de Paris a rejeté la demande de
mise en liberté de Marcel Lorenzoni, mais la Chambre
d'accusation a levé le mandat de dépôt de Fabienne Maestracci, sa compagne.
Placée sous contrôle
judiciaire, elle doit résider à son domicile d'Ajaccio et se
présenter une fois par mois, à compter du 26 avril, au
commissariat de cette ville, en justifiant de son domicile et de
ses activités. De plus, Fabienne Maestracci, qui était
incarcérée depuis octobre dernier, ne doit pas, sauf
autorisation du juge d'instruction, entrer en relation avec son
compagnon, Marcel Lorenzoni, 55 ans.
Le 26 août 1999 : Le nationaliste Marcel Lorenzoni, mis en
examen et écroué dans le cadre de l’assassinat du préfet Erignac, a été remis en
liberté et placé sous contrôle judiciaire.
(...)
Marcel
Lorenzoni effectue dix-huit mois de prison. A aucun moment sa
participation à l'attentat contre le préfet Erignac ne sera prouvée,
même s'il connaissait certains des hommes arrêtés plus tard. Il
avait, en particulier, fondé son syndicat agricole en compagnie
d'Alain Ferrandi, désigné comme l'un des chefs du commando qui a tué
le préfet.
Il est
finalement libéré le 26 août 1999. Un mois plus tard, il comparaît
devant le tribunal correctionnel d'Ajaccio pour une dégradation
volontaire commise contre le bureau de poste de Porticcio, peu avant
son arrestation... Et, le 3 mai dernier, il dénonce dans un journal
militant, Amnistia, le processus de négociation avec Matignon.(...)
Entre 1999 et 2000, Marcel
Lorenzoni militait à Unità, coalition d'unité nationale. Il n'était
pas rare de le voir taper du poing sur la table pour rappeler
l'intérêt d'être unis après ces années de guerre fratricide.
Le samedi matin, 24 juin 2000, lors d'une
promenade avec son fils pierre, un drame aura lieu et emportera
Marcel et Pierre.
Le
26 juin 2000 : Obsèques de Marcel Lorenzoni et de son fils à Ajaccio
: Des centaines de
personnes, voire un millier, ont assisté, lundi, en la cathédrale
Saint-Roch d'Ajaccio (Corse-du-Sud), aux obsèques du nationaliste
Marcel Lorenzoni et de son fils Pierre.
Des
chanteurs, membres des groupes polyphoniques d'I Muvrini, Canta U
Populu Corsu, le choeur d'hommes de Sartène, emmenés par
Jean-François Bernardini, Natale Luciani, François Buteau, et
Jean-Paul Poletti, ont accompagné avec des chants polyphoniques
corses la messe qui a duré plus d'une heure. Une heure durant
laquelle, les centaines de personnes venues se recueillir ont
partagé la douleur de la famille et des proches.
" L'heure est plus à la présence silencieuse et
aimante ou amicale qu'à la parole et aux exhortations, a souligné
l'abbé Ghisoni. Nous nous resserrons autour de vous, chère famille
dans la peine, dans un coude à coude fraternel, pour partager, du
mieux que nous pouvons, votre épreuve rendue si cruelle, eu égard
aux circonstances dans laquelle elle est intervenue ".
Dans une église emplie par une émotion lisible
sur tous les visages, l'homélie de l'abbé Ghisoni a rassemblé autour
d'une même communion.
" Que l'amour véritable, justification suprême de
la Croix, nous donne aussi le courage de puiser dans la mort de nos
frères, Marcel et Petru, un autre message, celui des valeurs
authentiques, qui doivent compter à nos yeux, à notre esprit, à
notre coeur, puisque tout homme a été créé à l'image de Dieu,
puisque " tout homme est une histoire sacrée ". Nous nous laisserons
donc interroger par cette vie sacrée à laquelle Dieu appelle tout
homme, que Dieu accorde à tout homme, que Dieu confie à tout homme.
(...). Confions à Dieu les âmes de Marcel et de Petru, et prions de
tout notre coeur, au cours de notre célébration d'adieu pour leur
épouse et maman, leurs parents et grands-parents, leurs frères, pour
tous les membres de leur famille et pour tous leurs amis qui
souffrent et qui pleurent ".
Les deux cercueils, recouverts de la
bannière corse à la tête de Maure, ont été portés en début
d'après-midi par des proches dans l'édifice religieux qui se trouve
sur le Cours Napoléon, l'artère principale de la ville.
Source photo : Unità Naziunale,
Archives du site,
Marcel Lorenzoni Fesch 1981(Arritti), Corse
Matin (enterrement), Dvd Génération FLNC (Aleria, Bastelica fesch),
interpellation (afp ou reuters).
Source info : Unità Naziunale, A Nazione, PPI (partitu per l'indipendenza),
L'Express 2000, Corse matin 2000.
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